Les designers avaient de nombreuses raisons de présenter un travail sombre et morose cette saison, notamment en raison de la guerre en Ukraine et des récessions qui affectent l’économie mondiale actuellement. Pourtant, les silhouettes agressives et les œuvres dystopiques n’étaient pas au programme à Paris. Les designers belges se sont principalement concentrés sur des pièces artisanales et intemporelles avec un attrait pour la spiritualité. Des pièces extraordinaires pour nous faire oublier nos soucis et le contexte actuel.

Anthony Vaccarello, designer né à Bruxelles, a vraiment trouvé sa voie chez Saint Laurent: son dernier défilé était puissant, sexy et assuré. Si ses robes moulantes et ses manteaux en cuir aux épaulettes solides nous rappellent les années 80, et plus spécifiquement le travail du couturier tunisien Azzedine Alaïa, l’accent mis sur les silhouettes monochromes et le style épuré et efficace faisaient fortement penser à YSL, s’en tenant aux lignes nettes et à la sensualité qui ont fait la réputation du créateur français. La palette de couleurs subtile, qui nous rappelle les paysages désertiques de l’Afrique du Nord, s’est avérée étonnante et contemporaine, ajoutant un sentiment de romantisme et de mystère à des pièces magnifiquement réalisées.

L’érotisme était maître chez Ester Manas, où les courbes voluptueuses et féminines étaient une fois de plus mises en valeur, défiant l’accent mis par l’industrie sur les corps trop minces et irréalistes. Les drapés, les volants et les ruchés étaient remarquables, créant une silhouette à la fois romantique et contemporaine. Les textures transparentes et les découpes envoûtantes attiraient l’œil sur les formes féminines de manière convaincante, soulignant la notion que la confiance en soi et le sex-appeal n’ont rien à voir avec la forme du corps, malgré ce que la société occidentale essaye de nous faire croire.

Le retour sur le podium du maître belge Dries Van Noten et de sa collection pour femme était remarquable après une longue absence de deux ans. Il y a un petit plus dans le style éclectique de Van Noten qui ne peut être reproduit, ce qui a de nouveau charmé son public avec des vêtements qui ont réussi à être poétiques et réalistes à la fois. Avec des tenues élégantes et entièrement noires pour débuter, la collection a lentement évolué vers des coordonnés pastel avec une touche utilitaire, avant d’atteindre un crescendo final avec un côté floral et de superbes imprimés contrastés rappelant les années 50. Van Noten a également présenté des vestes masculines, d’une fraîcheur et d’une élégance nonchalante, associées à des jupes plissées ou à des pantalons slim. Ce qui est remarquable chez Dries Van Noten, c’est le côté inclusif qui a toujours été présent et sa façon d’habiller les femmes de divers milieux et générations, qui sont devenues adeptes de son style éclectique et de sa touche personnelle.

Christian Wijnants, grâce à l’ouverture récente de sa boutique à Berlin et de son business grandissant, jouit également d’une clientèle croissante, qui revient sans cesse pour ses vêtements simples et délicats, au côté discret et subtil. Cette saison, Wijnants a opté pour des formes naturelles et douces, ainsi que des couleurs apaisantes et des coupes généreuses, qui, en enveloppant le corps, donnaient un côté spirituel à la plupart de ses tenues. Des pièces crochetées, très tendance à Paris, ont été associées à des denims souples ou à des pantalons de tailleur, tandis que les robes en tricot sont devenues des pièces incontournables, agrémentées de franges contrastantes ou de motifs abstraits. Le drapé unique de Wijnants, qui fait écho aux saris indiens intemporels, était naturel et sans artifice, prouvant que le créateur a clairement affiné ses styles signatures au fil des ans. Wijnants mérite définitivement plus d’attention que ce qu’il reçoit actuellement.

Chez Ann Demeulemeester, des pièces sensuelles en cuir et un tailleur élégant ont été les points forts de sa collection raffinée et assurée. Certains prétendent que le studio est actuellement dirigé par un ancien designer de Margiela, ce qui explique certaines des pièces transparentes et des superpositions qui ont défini certaines des silhouettes les plus marquantes. La nonchalance poétique d’Ann Demeulemeester attire toujours des clients du monde entier et le défilé faisait salle comble. On y a notamment aperçu la chanteuse et compositrice américaine Cher, qui assistait au spectacle et portait la marque de la tête aux pieds. Ann Demeulemeester l’a chaleureusement saluée et elle semblait ravie d’être là, alimentant ainsi les spéculations selon lesquelles elle pourrait être à nouveau impliquée dans la marque et donner son avis sur les collections.

Lorsqu’il s’agit de minimalisme expressif, Jean Paul Knott est une référence et sa dernière collection avait beaucoup à offrir. Des capes retravaillées et des robes drapées aux coordonnés peints à la main et aux volumes généreux : le créateur basé à Bruxelles comprend les besoins de ses clients, dont le style de vie exigeant requiert des vêtements peu complexes et élégants. Si son sens de la géométrie rend ses vêtements efficaces et faciles à porter, il tient néanmoins à utiliser les meilleurs matériaux et des finitions impeccables qui donnent de la valeur à ses pièces. Dans un monde complexe et en constante évolution, le minimalisme est de plus en plus séduisant, apportant un pragmatisme bienvenu, et un style plus léger, dans les garde-robes des femmes.