Sara Esther : L'artisanat en toute intimité
Portrait de Sarah Esther Touijar par Clémence Demesme

Sara Esther
L’artisanat en toute intimité

Categorie: Interviews
Date de publication:

C’est indéniable : même si la pandémie de coronavirus n’est plus qu’un lointain souvenir pour certains, elle affecte toujours bel et bien notre vie. Les interactions sociales, les voyages saisonniers, les relations privées et professionnelles ont dû s’adapter pour nous permettre d’évoluer dans un monde où les outils numériques semblent façonner de plus en plus notre quotidien.

On pourrait penser qu’au sein de ce nouvel environnement, l’artisanat paierait aussi le prix de la pandémie et souffrirait également de ce que l’on décrit actuellement comme une « récession à venir »… Et pourtant, il occupe une place clé dans notre société contemporaine ; et la demande de produits de luxe, en particulier d’horlogerie et de bijouterie fines, augmente au fil du temps. Il semblerait en fait que plus notre monde se tourne vers le numérique, plus nous recherchons les imperfections et la délicatesse des objets faits à la main, dont les prix ne cessent de grimper.

Nos attitudes de consommation ont changé, et nombreux sont ceux qui aspirent à faire des achats responsables. Pour Sara Touijar, qui a lancé sa marque Sara Esther à Bruxelles il y a dix ans, cela ne fait aucun doute : l’artisanat joue un rôle crucial dans notre société, nous reconnectant à l’authenticité des jolis objets et nous faisant apprécier le temps nécessaire à leur confection. Dans cette interview, elle revient sur les dix premières années de sa profession de créatrice de bijoux, sur la façon dont Bruxelles l’inspire pour créer ses pièces, et sur la manière dont elle prévoit de célébrer ce jalon de sa carrière.

Célébrer les dix ans de sa propre marque, ça doit faire quelque chose ! Quel regard portez-vous sur la décennie écoulée ?

Je repense à tout ce chemin parcouru et j’admire ce que j’ai fait. En fait, je n’ai pas seulement géré mon entreprise, j’ai aussi dû trouver comment faire grandir et évoluer ma créativité de designer. J’étais assez jeune quand j’ai lancé ma marque en 2013, ce qui veut dire que j’ai appris beaucoup au fil des années. C’est aussi intéressant de constater à quel point ce secteur ne cesse d’évoluer.

Selon vous, quels sont les deux changements majeurs qui ont touché la consommation de produits de luxe au cours de ces dix dernières années ?

Je dirais les médias sociaux, et une nouvelle forme de prise de conscience chez les clients : les gens réfléchissent beaucoup plus avant d’acheter. En tant que millennial, je me reconnais à 100 % dans cette hypothèse, surtout en ce qui concerne le lien entre consommation et environnement. J’ai toujours adhéré aux concepts d’artisanat et de durabilité engagée, car je les pratique au quotidien dans le cadre de mon activité professionnelle. J’ai déjà revu le niveau de mes pièces à la hausse et pris conscience du fait que les clients se préoccupent de plus en plus de la transparence des processus et de la traçabilité des articles. L’éthique est désormais un label et un gage de qualité !

Comment expliquez-vous cet intérêt croissant pour la bijouterie fine ?

Quand la fast fashion est arrivée sur le marché, les designers de vêtements n’ont pas été les seuls à en subir les conséquences. Les créateurs de bijoux ont souffert aussi lorsque le marché a été inondé de marques proposant des articles de qualité médiocre… Et les gens ont voulu posséder autant de bijoux que possible, ce qui est finalement le principe même de la fast fashion. Ça a été un défi pour moi en termes de positionnement de ma marque, mais j’ai fini par trouver ma voie et déterminer qui était ma clientèle cible.

Vos clients sont-ils sensibles à ça ?

Oui, mais je dois quand même les conscientiser au sujet de la qualité de mes bijoux et de comment je les conçois. Les gens sont super impatients de nos jours, et parfois, il faut vraiment prendre le temps de leur expliquer pourquoi il faut plusieurs semaines pour créer un bijou original, unique et exceptionnel. Mais une fois qu’ils ont compris ça, en général, ils me recontactent et commandent d’autres bijoux. Pour moi, c’est important de garder un bon équilibre entre modernité et artisanat.

Vous avez travaillé dans le secteur immobilier après vos études. Pensiez-vous poursuivre votre carrière dans ce domaine ?

Même si j’ai grandi dans une famille d’artisans, je ne me voyais pas devenir créatrice quand j’étais petite. À 19 ans, je travaillais déjà dans le secteur immobilier, ce qui a été une expérience très enrichissante pour moi : j’ai appris à gérer des relations professionnelles tout en négociant et concluant des affaires. C’est seulement quand j’ai commencé à fréquenter quelqu’un qui était amoureux des beaux objets fabriqués à la main que j’ai décidé de lui faire la surprise de lui créer des boutons de manchettes personnalisés.

Qu’est-ce que cette expérience a représenté, pour vous ?

C’est marrant, c’est là que j’ai compris à quel point créer des bijoux était si naturel pour moi. C’était presque quelque chose d’inné, et certains de mes gestes étaient totalement spontanés. J’imagine que j’avais déjà les connaissances en moi, mais que je ne les avais pas encore activées. Ceci dit, ça n’a jamais été une vocation chez moi, mais quelque chose avec laquelle j’ai été très à l’aise dès le début.

Qu’avez-vous prévu pour fêter vos dix ans de carrière ?

Cette année je vais organiser un repas en petit comité à Bruxelles, auquel je convierai quelques-uns de mes gros clients, la presse et des amis. Je prévois aussi de ressortir certaines pièces que l’on peut considérer comme signatures de ma marque.

Qu’est-ce qui vous plait à Bruxelles, niveau créativité ?

Il y a des artisans incroyables en Belgique, surtout dans le secteur de la bijouterie. Ils sont vraiment passionnés par leur travail et font en sorte de transmettre leur savoir et leurs compétences à la nouvelle génération. Il y a aussi le fait que les Belges aiment acheter des produits locaux, et qu’il existe une clientèle pour qui c’est important de soutenir les créateurs indépendants comme moi. On ne trouve pas ça ailleurs en Europe…

Comment envisagez-vous les dix années à venir en matière de travail ?

Je vais continuer à faire de la consultation pour d’autres marques, ce que je fais déjà depuis un moment. Je veux aussi continuer à développer ma propre marque, mais peut-être d’une autre façon. La circularité, c’est évidemment un élément clé de notre futur, et j’espère pouvoir mener des projets qui me permettent de combiner ma créativité et mes valeurs.

Interview par

Philippe Pourhashemi

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