Le 24 février, jour du début de l’invasion russe de l’Ukraine, Venya Brykalin, directeur de la mode de Vogue Ukraine, était à Milan pour la Fashion Week. Très vite, il a compris qu’il ne rentrerait pas chez lui, et a fini par s’installer à Paris, où il est basé depuis lors. En France, il continue à faire campagne pour son pays dans le cadre de diverses initiatives, la dernière en date consistant en une présentation de créateurs ukrainiens lors de la semaine de la mode de Paris en septembre dernier.
Il a donc été tout naturellement invité pour présider le jury des Belgian Fashion Awards (BFA) de cette année, qui se sont déroulés une fois de plus dans la capitale belge. Organisé par WBDM, MAD Brussels, Flanders DC, Knack Weekend et Le Vif Weekend, cet événement met en lumière la richesse et la diversité des talents belges dans le secteur de la mode et récompense les meilleurs créateurs en décernant plusieurs prix.
Nous avons rencontré M. Brykalin afin de discuter de sa passion pour le style belge, de la conduite d’un jury serein et de la façon dont sa vie a changé depuis qu’il est en France.
Quand avez-vous déménagé à Paris ?
Le 28 février pour être précis. J’ai atterri à Milan pour la Fashion Week le 24, et quelques heures plus tard, les Russes ont commencé à bombarder l’Ukraine. Je devais me rendre à Paris par la suite, et mon équipe m’a dit de rester en Europe et de ne pas rentrer en avion. Me voici donc, toujours à Paris, 9 mois plus tard.
Était-ce une décision logique pour vous sur le plan professionnel ?
Oui, tout à fait. Paris est au cœur du monde de la mode, il est donc logique d’être ici si vous travaillez dans le secteur de l’édition. Il s’agit donc du meilleur endroit pour créer un réseau et inciter les gens à participer à différents projets liés aux créateurs ukrainiens. Ce n’était pas une décision délibérée de ma part d’être ici, mais cela fonctionne pour l’instant. Les choses se sont passées ainsi et j’ai simplement suivi le courant. Par ailleurs, que peut-on reprocher au fait de vivre et de travailler ici ? C’est l’une des meilleures villes du monde.
Quels sont vos tout premiers souvenirs de la mode belge alors que vous avez grandi à l’étranger ?
Martin Margiela, bien sûr ! J’ai la chair de poule rien qu’en pensant à lui et à combien il a changé la mode. Il a conçu certains des plus beaux vêtements que j’ai jamais vus, en particulier pendant son travail chez Hermès. Margiela avait le pouvoir de transcender le vêtement et de faire de la mode une force artistique. J’aimais bien également Dries Van Noten, et je l’aime toujours autant. C’est l’un des plus grands designers du monde.
Comment définiriez-vous le style belge ?
Le style a un but, de même qu’une exploration intéressante du goût, qu’il soit bon ou mauvais. Je pense que les Belges sont assez émancipés dans leur créativité, mais ils ne sont jamais agressifs lorsqu’il s’agit de mode. Je n’aime pas du tout les vêtements agressifs, ce qui explique probablement pourquoi j’apprécie la mode belge. J’aimerais également mentionner le sens de l’humour des designers belges et le fait qu’ils ne se prennent pas au sérieux. Cette attitude est assez rafraîchissante, surtout lorsque l’on vit à Paris comme moi.
Comment avez-vous vécu votre expérience au sein du jury ? Était-ce difficile d’être le président ?
C’était un excellent exercice pour moi de modérer le jury, car je ne souhaitais surtout pas influencer les autres avec mes goûts personnels. Nous avons fait appel à différentes personnes, ce qui signifie que chacun d’entre nous avait une perspective différente, qu’il s’agisse de la vente au détail, du stylisme ou de la rédaction.
Glenn Martens est une nouvelle fois élu Designer de l’année.
Il est vrai que Glenn avait déjà remporté le prix en 2018, mais la plupart d’entre nous ont estimé qu’il le méritait une fois de plus. La délibération a été marquée par des discussions animées, mais tout le monde a reconnu son talent et sa pertinence pour la mode actuelle. Il est tellement polyvalent et peut travailler pour de nombreuses autres marques tout en gardant sa propre signature. Glenn était le lauréat idéal pour 2022.
Le prix Changemaker of the Year a été décerné à Esther Manas, parce qu’elle continue à défier le secteur et à promouvoir la positivité corporelle.
Qu’en est-il du « Prix du jury » de cette année ?
Nous l’avons décerné à Stephanie D’Heygere, qui est une incroyable créatrice de bijoux. Il était intéressant de valoriser un talent majeur dans le secteur des accessoires. Nous avons décidé de récompenser quelqu’un dont le travail est tout aussi important que la création de vêtements, mais qui n’est peut-être pas aussi connu.