Urbastyle aménage chaque année une centaine d’espaces publics dans le monde entier. Des chantiers pour lesquels elle officie avec certains des plus grands designers et architectes belges. A la tête de cette société, qui s’apprête à relever de nouveaux challenges, siègent toujours Jan et Bart Laroy, fils d’un fabricant gantois de « mobilier urbain » avant le mot.
Lesquelles de vos collaborations avec des créateurs sont les plus emblématiques ?
La collection Galet (2013), du collectif d’architectes L’Escaut Architectures, est devenue iconique. Nous l’avons utilisé pour le site liégeois de Val Benoît, près de la gare TGV Guillemins. Le banc Salta (2019), de l’architecte paysagiste Bas Smets et de la graphiste et décoratrice Eliane Le Roux, est aussi l’un de nos produits phares. Il résume bien notre approche. Son béton est léger et performant et son design (qui s’inspire de la forme des ponts médiévaux et des voûtes d’ogive) est original et innovant. Nous sommes toujours à l’écoute des créateurs, tout en sachant respecter les besoins de l’industrie et ceux des usagers.
Depuis 2001, vous livrez de grands projets en Europe et à l’étranger. Comment œuvrez-vous en Belgique et en dehors ?
Pour les projets en Europe, la production se fait à Tournai. Il est évidemment plus respectueux de la nature de fabriquer ici en Belgique que de faire venir des éléments de construction d’ailleurs. Pour les projets hors Europe, nous avons des partenaires au Moyen-Orient et au Maroc, aux États-Unis, au Canada, et même en Australie. Nous en avons aussi un en Allemagne, qui produit des dalles et des pavés en béton. Nos compositions en béton et nos opérations de finition sont toutes coordonnées afin de pouvoir réaliser des projets de A à Z.
Quels sont vos challenges actuels ?
Ils s’axent autour de la réhabilitation des espaces publics, comme ce fut le cas pour les Terrasses Boieldieu à Paris. Dans ce quartier historique de la Défense, l’objectif était de résoudre des problèmes d’ingénierie structurelle. Ce type de réalisation demande parfois plus de moyens que des projets neufs. Aussi, nous fabriquons maintenant principalement du mobilier sur-mesure. C’est le cas pour la nouvelle promenade en bord de mer à Middelkerke, dans le cadre du réaménagement de toutes les promenades en bordure de la côte belge d’ici trois à quatre ans, où nous répondons à des besoins de protection contre les innondations.
Votre histoire repose sur le béton, considéré comme énergivore. Quelles alternatives offrez-vous ?
Bien qu’il s’agît d’un matériau assez pérenne, on dit souvent que le béton n’est pas écologique (80 % du carbone qui le compose provient en effet du ciment, une matière extrèmement émétrice de CO2). Aujourd’hui, nous travaillons à mettre au point un béton à faible teneur en carbone, dit « bas carbone ». Pour y arriver, le mélange à l’origine béton doit contenir moins de clincker (la calcination à très haute température du calcaire et de l’argile). Nous visons donc à réduire les émissions de CO2 par une production avec un impact environnemental aussi faible que possible. Nous utilisons autant de matières premières locales que nécessaire, des panneaux solaires, nous réutilisons l’eau, nous optons pour des éclairages à faible consommation d’énergie. Aussi, concassons parfois le béton afin de pouvoir le réutiliser… La construction en béton peut être plus respectueuse de l’environnement.
L’accessibilité (le « design universel », selon vos mots) est aussi au centre de vos préoccupations. Expliquez pourquoi.
Concevoir un mobilier urbain en tenant compte de toutes les catégories d’usagers qui peuvent l’utiliser, des handicapés physiques aux malvoyants, par exemple, est primordial. Maintenant que nous travaillons sur plus d’une centaine de projets publics par an, nous savons répondre à de très nombreux besoins et pouvons adapter nos designs avec des bétons texturés et podotactiles, des bandes de contrastes, des coins arrondis, des hauteurs variables etc. Nos experts dans ces domaines accompagnent nos designers en interne et en externe. Plus nous produisons en quantité, plus nous sommes amenés à travailler quasiment sur-mesure.
Comment réutilisez-vous les constituants du béton ?
Nous utilisons par exemple des agrégats recyclés ou des granulats de la région dans laquelle nous, ou nos partenaires, construisons. Il y a quelques années, ces procédés étaient encore peu répandus : toutes les sociétés importaient sur leurs chantiers des matériaux provenant de l’étranger. Cependant, utiliser du recyclé ou du local importe toujours que les certifications en vigueur soient respectées, ce qui reste un challenge.
Quel est l’impact de ces modes de conception sur les créateurs qui travaillent avec vous ?
Leurs choix de designs s’en retrouvent encore plus limités qu’auparavant. Il est certain que nous ne pouvons plus concevoir du mobilier tout court, et de surcroît urbain, comme avant. Il faut tenir compte de la santé de notre planète et aussi des spécificés régionales dans le processus même de création et de fabrication.
Quelles sont les qualités du béton architectonique que vous utilisez ?
Outre les possibilités de conception quasi infinies qu’il offre, en termes de formes et de couleurs, le béton architectonique a une résistance exceptionnelle à la compression, à l’abrasion et aux agressions climatiques. Il est le résultat des nombreuses normes, en fonction du type de produit (NBN EN 1338/1339 et 13198, PTV21-601…), auxquelles nous sommes soumis en tant que concepteurs et constructeurs.
Qu’observez-vous dans les tendances actuelles en mobilier urbain ?
Les choix de nos clients (villes, organismes publics, ainsi que des grandes firmes et institutions privées) sont moins uniformes et de plus en plus variés, et la modularité, ainsi que la plurifonctionnalité des espaces, leur importent beaucoup. Pour les lieux publics, les choix des collectivités se font en faveur des designs avec lesquels on peut faire des compositions.
Quelles sont les attentes de vos clients en Amérique et au Moyen-Orient, où vous êtes bien actifs ?
Ils aiment nos produits car ils savent que nos savoir-faire allient le meilleur de la technologie et de l’humain. Aussi, plus que les Européens, les étrangers sont très attentifs aux nouveautés que nous proposons en permanence, tout particulièrement les Américains. Au Moyen-Orient, avoir un mobilier urbain signé Urbastyle est un gage d’originalité et de grande qualité.
Votre succès va de pair avec votre investissement dans l’impression 3D, important.
Nous sommes convaincus que l’impression 3D est plus écologique, car elle nécessite moins de matière première et de coffrages. Elle permet également de commercialiser nos produits plus vite afin de s’adapter aux clients et aux différents marchés que nous abordons. Aussi, la fabrication d’un élément mobilier en trois dimensions permet d’obtenir des formes et des dimensions bien plus sophistiquées qu’en coulées de béton. Mais dans le secteur de l’architecture et du bâtiment, les normes pour l’impression 3D ne sont pas encore au point, et les responsabilités qu’engendrent un tel type de conception sont beaucoup plus lourdes que dans le design. Ce qui est certain est que le mobilier urbain en 3D va se développer grandement dans les prochaines années. De notre côté, nous allons bientôt commercialiser notre première gamme de produits imprimés en 3D.
Quel est le profil des créateurs qui viennent vous voir aujourd’hui ?
Hormis des concepteurs renommés – dans le sillon d’Alain Gilles, d’Arne Quinze et de Roel Vandebeek, qui ont collaboré avec nous –, une nouvelle génération de jeunes architectes et designers, souvent à peine sortis de leur formation, nous envoient des designs prêts à imprimer. Enfin, nous sponsorisons des concours comme le concours international de design organisé par l’UDB (Union des Designers en Belgique) avec le soutien d’Expoproof, un organisateur de salons professionnels, pour toujours rester à l’écoute de ce que le futur peut nous réserver…