Thomas Tistounet : Le principe de l’indépendance

Thomas Tistounet : Le principe de l’indépendance

Categorie: Interviews
Date de publication:
Showroom Market

Certes, les jeunes créateurs ont désormais la possibilité de se faire connaître sur de nombreuses plateformes numériques, ce qui leur permet de s’adresser directement à leur public et de trouver de potentiels clients. En réalité, à l’heure actuelle, peu de marques indépendantes parviennent à percer et à développer une activité concrète.

© Sarah Levy

Thomas Tistounet comprend parfaitement cette réalité. Il a grandi dans le secteur de la vente au détail et a même fini par prendre en charge les achats pour United Legend, la société fondée par son père. Thomas bénéficie d’une solide expérience dans la gestion de la mode de créateurs, ainsi que d’une bonne compréhension des attentes des magasins à l’égard des jeunes marques indépendantes.

Après s’être installé à Paris avec sa femme, il a décidé, en 2021, de lancer Untitled, son propre showroom et son agence indépendante qui vise à promouvoir des créateurs émergents et contemporains. En novembre dernier, il a fait partie du jury des Belgian Fashion Awards. Nous l’avons rencontré à Anvers, lors de la cérémonie de remise des prix, pour faire le point sur son expérience dans le secteur de la vente au détail, ses créateurs belges préférés et la manière dont Untitled incarne quelques-unes des valeurs qui lui sont les plus chères.

Showroom Market © Thomas Tistounet
Vous avez commencé à travailler dans le secteur de la mode dès votre plus jeune âge. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre parcours ?

Mes grands-parents, tout comme mes parents, travaillaient dans le secteur de la vente au détail. J’ai commencé à travailler dans leurs magasins de vêtements à 16 ans. Je suis originaire de Mulhouse, en Alsace, une ville pas forcément très branchée ou prospère, mais je suis passionné par la mode et les vêtements depuis très longtemps. Petit à petit, j’ai commencé à accompagner mes parents à Paris pour leurs achats et j’ai travaillé avec eux pendant plusieurs années.

Cela vous est-il venu naturellement ou bien avez-vous dû entreprendre certaines choses ?

Un peu des deux. Pour être honnête, je n’étais pas un adolescent heureux et la mode m’a semblé une excellente opportunité. Mes parents auraient probablement préféré que je poursuive mes études et que j’aille à l’université, mais ça n’était pas ce que je voulais.

Thomas Cyril et Thomas Tistounet
Le métier d’acheteur de mode est incroyablement difficile et stressant.

Effectivement. Vous découvrez tant de collections en l’espace de quelques jours et vous devez rapidement prendre des décisions. Dans le cas de United Legend, j’ai développé cet éventail de marques et rendu l’environnement plus haut de gamme, tout en restant indépendant. Je voulais allier des marques de luxe à des noms plus streetwear et émergents. C’est pourquoi j’ai déménagé de Mulhouse à Strasbourg pour y ouvrir un nouveau magasin avec ma sœur. Ma femme a fini par travailler avec nous plus tard. La mode a donc toujours été une affaire personnelle pour moi.

La mode belge était-elle alors importante à vos yeux ?

Bien entendu. J’ai toujours adoré les créateurs belges, notamment Raf Simons, dont j’adore porter les vêtements, et ce même s’il a mis fin à sa marque éponyme. La mode belge est si inspirante et indépendante. Par ailleurs, je suis également sensible aux créations de Dries Van Noten et d’Ann Demeulemeester. J’ai récemment découvert le travail de Cyril Bourez. J’ai pu faire sa connaissance à l’époque où il travaillait dans le studio de Raf. C’est un homme formidable et nous vendons sa marque éponyme dans notre showroom à Paris. Nous représentons également Sarah Levy, créatrice belge, qui a remporté, ce soir, le prix Accessory Designer of the Year aux Belgian Fashion Awards.

Sarah Levy © Fille Roelants
Comment êtes-vous passé de l’achat à la vente ?

Quand nous avons ouvert une deuxième boutique à Strasbourg et défini notre identité en tant que détaillants, nous avons commencé à nous faire inviter à des Fashion Weeks internationales, telles que celle de Séoul. Il me semble que la première fois où j’y suis allé remonte à 2005 ou à 2006. Nous avons rencontré d’autres acheteurs lors de ces déplacements et nous avons commencé à développer notre propre réseau. Lorsque ma femme et moi avons décidé de nous installer à Paris, nous avons jugé le moment propice pour un éventuel lancement. Puis la pandémie est survenue et elle a suscité de vives inquiétudes.

Certains magasins ont été contraints de fermer leurs portes, car leurs activités n’ont pas repris.

Bizarrement, je trouve souvent que la crise actuelle est encore plus rude pour les magasins. Pendant le premier lockdown, les gens continuaient de faire leurs achats en ligne, parce qu’ils s’ennuyaient et se sentaient frustrés. Aujourd’hui, les achats et les dépenses dans les marques émergentes suscitent beaucoup d’inquiétudes.

Untitled Showroom
Quand avez-vous lancé Untitled ?

En 2021. La pandémie m’a donné plus de temps pour peaufiner mon projet et sélectionner les marques. Pour la saison prochaine, nous avons trouvé un nouvel espace dans le quartier du Marais, plus spacieux que celui que nous occupions avant. Nous présenterons les collections homme et femme à Paris conformément au calendrier officiel, soit quatre fois par an.

Quels sont les défis auxquels sont désormais confrontés les entreprises indépendantes et les showrooms comme le vôtre ?

Comme vous le savez, le secteur de la mode est devenu de plus en plus collectif et nous devons encore nous battre pour accomplir ce que nous voulons vraiment faire, à savoir promouvoir et développer de jeunes marques indépendantes. Elles sont, à bien des égards, cruciales pour ce secteur. Les grandes entreprises sont aujourd’hui extrêmement puissantes, ce qui fait de l’indépendance un défi quotidien, que ce soit pour les magasins, les créateurs ou les showrooms. Faire tourner Untitled chaque saison représente un véritable défi, mais j’y crois fermement.

Untitled Team © Thomas Tistounet
Comment trouvez-vous les nouveaux créateurs et pourquoi les choisissez-vous ?

Dans mon secteur, le bouche-à-oreille est un facteur important. Je me fie aussi beaucoup à mon instinct. Il faut une personne qui présente le bon projet au bon moment. Il faut également garder à l’esprit les acheteurs et leur offrir suffisamment de variété.

Pensez-vous que les jeunes designers courent plus de risques aujourd’hui qu’il y a 10 ans ?

Les nouveaux talents vivent une période particulièrement difficile, car notre société impose de nombreux choix aux entreprises, lesquelles contrôlent la plupart des médias spécialisés dans la mode. Nous subissons un lavage de cerveau qui nous oblige à acheter certaines marques, et seule l’augmentation de leurs bénéfices importe à ces entreprises. Nous offrons une solution de rechange : de la substance et une réelle créativité. Il faut privilégier la qualité et la diversité, et non les chiffres.

Bien que le secteur devienne de plus en plus collectif, certaines marques indépendantes parviennent encore à faire carrière.

Je suis d’accord avec vous. En fin de compte, seuls les plus forts survivront, en particulier dans ce secteur.

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