Lorsqu’il a créé NORM en 2019, le designer Nicolas Lavigna avait en tête de lancer une ligne de baskets de haute qualité entièrement fabriquées en Europe et avec un fort esprit de durabilité. Il a de ce fait relevé le défi consistant à trouver sa propre niche sur le marché compétitif des baskets, malgré les effets d’une pandémie mondiale et les difficultés rencontrées par toute jeune marque dans le paysage actuel complexe de la mode et de la vente au détail.

Si Nicolas Lavigna est passionné par les chaussures, ainsi que par la fabrication du meilleur produit possible, il croit aussi fermement à la protection de l’environnement et privilégie la fabrication et le savoir-faire européens, plutôt que chinois, que la plupart des marques haut de gamme adoptent pour leurs lignes de baskets.

Nous avons rencontré à Bruxelles ce talentueux designer pour discuter de sa stratégie de vente pour NORM, de la manière dont il a financé son premier lot de production et des raisons pour lesquelles ses sneakers restent si abordables.

Quelle est votre stratégie pour la marque en ce qui concerne les ventes internationales ?

Nous avons mis en place notre boutique en ligne et cette année, nous avons également décidé de participer à un salon international pour la première fois. Notre choix s’est porté sur le Pitti Uomo à Florence, car il possède une bonne visibilité et attire également une clientèle internationale non seulement exigeante, mais aussi informée. J’imagine que le fait d’être autorisés à exposer à Pitti démontre également que nous avons atteint un certain niveau, non seulement en matière de qualité des produits, mais aussi de pratiques innovantes.

Je suppose que cela fait un moment que l’âge d’or des salons commerciaux est passé, même s’il en subsiste quelques-uns qui sont pertinents en Europe.

C’est l’un des problèmes en tant que jeune marque. Il est crucial de bien se positionner et de faire les bons choix afin d’attirer des clients potentiels qui comprendront réellement votre marque. Les salons professionnels sont finalement plutôt une opération de relations publiques, étant donné que de nombreuses marques réalisent aujourd’hui la majeure partie de leur activité en ligne.

Pourquoi et quand avez-vous lancé NORM ?

Avec mes partenaires, nous avons créé NORM en 2019. D’aussi loin que je me souvienne, je suis passionné par les chaussures, et je dessinais déjà des chaussures de football et des baskets quand j’étais enfant. C’est quelque chose que je ne suis jamais expliqué ni cherché à analyser. Mes parents n’exerçaient pas de profession dans le domaine créatif, mais mes grands-parents possédaient un petit magasin de vêtements où je traînais après l’école. Je suppose que cela m’a permis d’acquérir des connaissances dans certains domaines de la mode et de la vente au détail.

J’ai ensuite étudié le design industriel à La Cambre à Bruxelles, mais j’ai vite compris que je n’allais pas concevoir des meubles une fois mon diplôme obtenu. Entre-temps, j’avais élaboré un portfolio, qui incluait de nouveaux concepts relatifs aux sneakers, que j’ai envoyé à des marques sélectionnées. J’ai d’abord travaillé pour FEIT aux États-Unis en tant qu’assistant designer, puis pour d’autres marques également. Aujourd’hui, parallèlement à mon travail au sein de NORM, je travaille toujours en tant qu’indépendant pour différentes marques.

Que pouvez-vous nous dire sur l’industrie des sneakers aujourd’hui ?

Pendant que je cherchais à lancer une nouvelle ligne de sneakers durables et que je m’informais sur ce qui existait sur le marché, je me rendais compte que certains éléments faisaient toujours défaut. Mes deux partenaires et moi-même avons lancé NORM en ayant à l’esprit notre souhait que tous les composants proviennent d’Europe et que la fabrication de chaque chaussure s’y déroule aussi. Cela constituait un véritable défi, ne serait-ce que parce que certaines machines nécessaires à leur fabrication ne sont disponibles pratiquement qu’en Chine. Trouver les bons fabricants nous a donc demandé beaucoup de temps. J’ai une affinité avec le luxe et je veux que les choses aient un certain niveau de qualité.

Comment avez-vous trouvé le capital de départ ?

Nous avons d’abord eu recours au crowdfunding, qui nous a permis de financer notre tout premier lot de production.

Quand avez-vous commencé à commercialiser vos sneakers ?

Nous étions censés livrer nos premières commandes en octobre 2019, mais nous avons été confrontés à quelques problèmes de fabrication, ce qui a retardé ces livraisons. Bien que beaucoup d’usines vous disent qu’elles peuvent faire les choses que vous voulez, vous comprenez rapidement qu’elles en sont en fait incapables. Heureusement, nous avons fait déjà quelques ventes en ligne dès les premiers mois de la pandémie.

Comment faites-vous pour que vos prix restent abordables ? De nos jours, il n’est pas rare de voir des baskets de marque dont le prix avoisine les 900 €.

Nous voulons que nos amis et les gens que nous connaissons puissent s’offrir nos baskets. Lorsqu’une marque de luxe fabrique des sneakers chaussettes par exemple, ses marges sont si élevées que la plupart des gens seraient horrifiés s’ils découvraient quels sont les coûts réels. Un autre élément est que tous les influenceurs veulent avoir une ligne de sneakers aujourd’hui, en pensant que c’est un moyen facile de gagner de l’argent. En réalité, c’est très compliqué d’y arriver et d’avoir un design qui soit à la fois nouveau et distinctif.

Selon vous, que manque-t-il sur le marché ?

Je pense que ce qui fait le plus défaut aujourd’hui c’est l’authenticité. Je n’ai rien contre le fait qu’Hermès fabrique des baskets, par exemple, parce que cela implique encore un certain artisanat et qu’ils utilisent les meilleurs matériaux. Mais on ne peut pas en dire autant d’autres marques soi-disant « de luxe ».

Malheureusement, on observe le même phénomène dans la mode aujourd’hui.

Exactement. En tant que designers, notre rôle est aussi d’éduquer et d’informer nos clients afin qu’ils sachent quel type de qualité ils achètent. Même une marque qui fabriquerait les t-shirts les plus luxueux du monde, avec les meilleurs fils de coton disponibles, ne devrait jamais arriver à un prix de vente de 500 euros. C’est tout simplement absurde.