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Le flair et le savoir-faire de Maniera

Le flair et le savoir-faire de Maniera

Categorie: Interviews
Date de publication:
Silversquare, Maniera © Jeroen Verrecht

Ensemble, Amaryllis Jacobs et Kwinten Lavigne travaillent à marier les univers du design, de l’architecture et de l’art contemporain au gré de collaborations originales et fructueuses. Le duo belge repère et invite les architectes et artistes contemporains qu’il admire, comme Kersten Geers et David Van Severen, Studio Mumbai ou encore Koenraad Dedobbeleer, afin de produire des meubles et objets avec des techniques inédites.

Ainsi, depuis sa création en 2014, leur galerie nommée Maniera, basée à Bruxelles, est devenue très influente non seulement en Belgique et aussi à l’étranger, via leurs participations aux foires Collectible, PAD Paris ou encore Design Miami. Dernièrement, leur ambition s’est même matérialisée dans le monde du coworking. Leur « manière de faire » ouvre de nouvelles voies en matière de formes, de conception et de devenir du design selon Amaryllis Jacobs.

Brick StudyII, Studio Mumbai
Racontez-nous les débuts et la raison d’être de Maniera.

On voulait vraiment faire quelque chose à deux avec nos passions et nos talents, moi pour l’architecture et l’organisation d’évènements et Kwinten pour l’art contemporain et la production dans ce secteur. Au début, nous avions réfléchi à fonder une association sans but lucratif ; une petite institution où l’on pouvait croiser les nouveaux talents des secteurs de l’architecture, de l’art et du design. Mais nous avons décidé de choisir la formule de la galerie, principalement pour son indépendance financière ; dans ce cas, il ne faut pas de subventions régionales pour produire.

Dedobbelaere, Maniera © Jeroen Verrecht
Sur quoi repose votre système de production ?

Kwinten a pendant longtemps travaillé pour la production d’œuvres d’art au WIELS, un centre d’art contemporain à Bruxelles. Dans ce cadre, il était connu comme celui qui avait toujours le « bon contact ». Il connaît en effet la plupart des artisans et des manufactures qui comptent en Belgique. Cela nous a considérablement aidé et nous a amené à prendre la décision de produire totalement les meubles des artistes et architectes de Maniera. Pour chacune de nos collections, que l’on nomme Series, nous supervisons donc l’ensemble de la production.

Votre manière de produire est donc héritée de l’art contemporain.

Oui tout à fait, au départ, Kwinten n’avait pas d’expérience en meubles mais en œuvres d’art. Et nous avions tous les deux très envie de travailler avec ces artisans afin de créer du jamais-vu.

Dubois, Maniera © Jeroen Verrecht
On parlait même de design-art avant. Vous-vous en rappelez ?

Oui, c’est pour ça que nous, Maniera, voulions dès le début avoir la possibilité de produire des œuvres vraiment fonctionnelles. Aujourd’hui, une partie du collectible design reste conceptuelle ou sculpturale. Mais nous pensons que la ligne entre le design industriel et celui-ci a toujours été très claire : elle repose sur le mode de fabrication tout comme l’ouverture d’esprit des commanditaires et du public. En ce sens, notre façon de produire a toujours été différente. Lorsqu’on briefe un architecte ou un artiste, on lui dit que l’on veut surtout des meubles avec lesquels les gens auront envie de vivre ; on leur demande ainsi d’imaginer du mobilier ou des accessoires pour la maison avec lesquels ils ont d’abord vraiment de vivre, eux, à leur manière. Nos productions de design se destinent entièrement à des intérieurs. Aussi, contrairement à ceux de l’art, peu de collectionneurs de design ont un dépôt où ils entreposent leurs acquisitions.

Studio Mumbai, Maniera © Jeroen Verrecht
Ce sont des collections éclectiques qu’offre Maniera au final.

L’éclectisme est primordial pour nous. Kwinten et moi pensons qu’un intérieur intéressant (et agréable à vivre) est un intérieur varié. Comme chez nous, nous avons envie que Maniera reflète un mode de vie aménagé de manière organique, sans plan de décoration ou d’aménagement intérieur préétabli. Si certains de nos clients sont particulièrement friands d’un ou plusieurs designers que nous présentons — il y a des fans de notre collection de meubles de Studio Mumbai, une agence d’architecture basée en Inde qui utilise le bois de rose, le teck, le bambou et d’autres matériaux naturels — d’autres aiment mélanger les styles et craquent par exemple pour un fauteuil club en fibre de verre du duo d’architectes belges FELT.

Les Series de Maniera ont un caractère principalement architectural et explorent également des matières peu vues dans le mobilier.

Les architectes conçoivent souvent leurs meubles comme leurs bâtiments. Et nos collections attestent en effet de matières et de processus de fabrication utilisés dans des disciplines comme la peinture et la sculpture, ou encore la mode et le stylisme. Maniera est attiré par les langages uniques et ce qui se fait de différent.

Quels sont les challenges en termes de production auxquels vous faites face ?

Chacune de nos collections est une aventure. On a un très bon menuisier, on a quatre ou cinq très bons soudeurs et tout le reste est une question de recherche d’artisans pour donner corps aux désirs des créateurs avec lesquels nous collaborons. Je me rappelle de notre deuxième production et exposition avec le studio hollandais Anne Holtrop : « Maniera 02 ». Anne voulait faire des meubles avec des pierres peintes à la main. Nous avons donc dû entrer en contact avec le meilleur atelier spécialisé en imitation de pierres ; l’Institut Supérieur de Peinture Van Der Kelen – Logelain qui apprend aux artistes comment imiter certains matériaux. La lampe en verre de la série Barbar d’Anne Holtrop fut aussi compliquée à produire car sa forme ne correspond pas aux standards. Dans tous les cas, nous avons toujours besoin de producteurs avant tout prêts à réaliser l’impossible… Récemment, nous avons développé une série de tables pliables en cuir collé avec le maroquinier d’origine espagnole Isaac Reina et l’architecte d’intérieur belge Bernard Dubois, avec qui nous travaillons en ce moment sur une nouvelle ligne d’objet, cette fois-ci en porcelaine.

Dubois, Maniera © Jeroen Verrecht
Produisez-vous principalement en Belgique ?

On fabrique presque toutes nos collections en Belgique. Certains savoir-faire demandent des talents particuliers, comme pour la première lampe du bureau d’architecture belge Office KGDVS (Kersten Geers et David Van Severen), en verre coulé dans de l’aluminium, réalisée à l’Atelier Barrois à Lyon en France, ou encore comme pour les pièces de l’exposition de l’architecte Francesca Torzo, venues d’Italie. Souvent, des artistes et des architectes nous mettent aussi en relation avec des ateliers de fabrication que nous ne connaissons pas encore. Plus rarement, d’autres œuvres arrivent de loin. C’est le cas des tapis du designer textile et artiste Christophe Hefti, en provenance du Népal.

Maison Roelants, Maniera © Jeroen Verrecht
Quelle importance accordez-vous au digital en tant que galerie de design contemporain ?

On reste classique et assez distant du digital pour l’instant. On pense que tout le monde devrait pouvoir voir nos pièces en vrai. Les plateformes comme Artsy marchent bien pour les pièces d’artistes artistes connus. Pour le collectible design, il reste encore à trouver la bonne plateforme de vente digitale.

Une partie importante de votre activité est votre programme d’expositions dans des maisons iconiques en Belgique…

Nous avons effectivement poursuivi nos incursions dans des maisons modernistes historiques, ce que nous faisons depuis notre exposition à la maison Wolfers de Henry Van de Velde (construite à Bruxelles en 1929) et la maison Van Wassenhove de Juliaan Lampens (construite à Deurle en 1974). L’an dernier, Maniera a ainsi investi la maison Roelants conçue par Willy Van Der Meeren à Lennik-Saint-Martin en 1962. On adore pouvoir composer un intérieur avec tout ce qu’on a produit et faire découvrir aux gens des architectures remarquables et parfois méconnues. On envisage d’ailleurs de déménager un jour notre galerie dans une maison…

Et plus récemment vous avez inauguré un café-restaurant éphémère.

Le show « 1B » fut quant à lui inauguré pendant la réouverture des lieux culturels, avant la deuxième vague de coronavirus en 2021. Il s’agissait de pouvoir montrer des pièces crées pour Maniera par l’artiste belge Koenraad Dedobbeleer (luminaires, tables et chaises), dans une configuration qui n’était pas simplement domestique et qui pouvait offrir une expérience entière de partage entre nous tous, curateurs, artistes et plus largement amateurs de bon vivre. On y a organisé des soirées et dîners imaginés par des hôtes différents ; des artistes et architectes amis de Koenraad Dedobbeleer et de Maniera.

Comment s’est passée votre collaboration avec Silversquare pour la création d’une ligne de mobilier dédié au coworking destiné à aménager leurs espaces ?

Ce fut l’un de nos plus grands projets à ce jour. Nous avons véritablement découvert le monde du coworking à cette occasion : une façon de travailler qui, comme le coliving, se destine à une nouvelle génération pour qui la flexibilité et l’échange humain sont primordiaux. On a tout d’abord été séduits par le lieu proposé par Silversquare dans l’optique de réaliser cette collection : le coworking SQ Central, en face de la Gare centrale à Bruxelles (à deux pas de notre galerie actuelle) et son bâtiment, le Shell Building, construit par Alex Dumont avec Olivier Strebelle et Marcel Van Goethem en 1931-34. La collection « Maniera 26 » fait donc écho à l’aspect brutaliste de cette architecture. La particularité fut que cette fois-ci, les coûts de production furent serrés pour nous, ce qui nous a obligé à produire nos propres prototypes.

Dans cette collection, on retrouve des déclinaisons de vos pièces les plus connues, comme la table Prototype 03 de Kersten Geers et David Van Severen.

Oui, celle-ci, originellement en résine et aluminium, est déclinée dans une version tout en aluminium pour un public plus large. Quand on regarde cette collection, elle est à la fois très accessible et originale. Elle offre des typologies de meubles et objets de bureau et des degrés de finitions que l’on a rarement l’habitude de voir dans le genre du mobilier de bureau. Nous sommes aussi heureux d’avoir eu de très bons retours des utilisateurs du SQ Central concernant l’usage de ces pièces.

Studio Mumbai, Maniera © Jeroen Verrecht
Comment voyez-vous le futur de Maniera ?

On a envie de tout essayer, mais aussi de revenir à des meubles esthétiques et confortables. De beaux meubles pour tous les jours, pas uniquement radicaux.

Comment votre public a-t-il évolué avec vous ?

Je dirais qu’on a un public très spécifique pour des pièces très spécifiques. Certains n’aiment que certaines créations d’architectes, d’autres achètent une pièce puis une autre et se laissent porter par notre vision et nos choix. Il s’agit de très jeunes, parfois même étudiants, jusqu’à des collectionneurs plus âgés et confirmés.

Dedobbelaere, Maniera © Jeroen Verrecht
Quels avantages vous apportent la vie en Belgique pour votre activité ?

Ici à Bruxelles, les loyers sont raisonnables et la vie est facile, comparé à Paris ou à New York. Même avec ces conditions, on a d’abord commencé par exposer chez nous avant de louer un espace propre, afin de pouvoir payer la production et les créateurs. Aussi, l’architecture belge, comme celle d’Office KGDVS et tous ceux passés par le Pavillon belge à la Biennale de Venise, comme Bovenbouw Architectuur, demeure avant-gardiste. Aux côtés du design et de l’art belge, l’architecture belge est désormais reconnue dans le monde entier. Et maintenant que le collectible design est plus établi dans le marché de l’art, et qu’il commence à se démocratiser, la Belgique est renforcée dans ce secteur, d’autant plus que les collectionneurs belges sont connus pour être des défricheurs.

Vous travaillez enfin sur un projet fou, racontez-le nous.

Il s’agit d’une voiture, ni plus ni moins ! Elle sera créée par l’artiste belge Harald Thys, en collaboration avec Louis Vermeersch, un concepteur automobile installé à Turin et le frère de l’artiste plasticien belge Pieter Vermeersch, et elle sera fonctionnelle !

Interview par

Mikael Zikos

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