La vision nomade de d-o-t-s

La vision nomade de d-o-t-s

Categorie: Interviews
Date de publication:

Voyageur, le duo formé par Laura Drouet (FR) et Olivier Lacrouts (IT/FR) affine une pratique de curation d’expositions de design et d’architecture, de recherche et d’écriture depuis 2013. Coproduite par le CID au Grand-Hornu (B), « Memo. Souvenirs du futur » et ses 15 œuvres prospectives est aussi itinérante. L’évènement fait une première étape à la Fondation Martell à Cognac, en France (jusqu’au 4 janvier 2026) et ira se poser en Belgique au printemps prochain… Rencontre du côté français.

Plant Fever (c) Tim Van de Velde
Vous formez un studio nomade. D’où vient ce choix ?

OL: Après notre rencontre au centre international de recherche en architecture et en design du Domaine de Boisbuchet, où nous avons assisté le fondateur et le directeur pour la programmation des ateliers d’été, des partenariats et d’expositions, on s’est d’abord installé à Casablanca, au Maroc, pour des recherches de terrain. Elles se sont cristallisées dans une exposition autour des sièges que les casablancais fabriquent pour leur vie quotidienne (Design Without Designers). Nous sommes ensuite revenus en Europe, où nos activités se sont étendues à l’écriture, notamment sur l’architecture participative pour la revue Domus. Lors de notre séjour en Belgique, nous avions acheté un van afin de nous permettre de voyager et de conduire des projets en collaboration avec des institutions et des communautés.
LD: Nos découvertes au fil des design weeks ont jeté les bases de notre première exposition Plant Fever, produite et montrée par le CID au Grand-Hornu en 2020, et pour laquelle nous avons déménagé à Bruxelles pour être près du musée.

Greenhouse stories
Où êtes-vous installés maintenant ?

OL : Dans la campagne en France, à Felletin en Creuse. L’idée est de continuer à développer ici des projets en lien étroit avec le territoire et ses habitants.

Quelles formes vos projets peuvent-ils prendre ?

OL : Des formes variées. Par exemple, dans le cadre de Esch 2022 – Capitale européenne de la culture, au Luxembourg, nous avions investi des serres abandonnées qui avaient été achetées en vue d’être détruites pour y construire des logements. De cette intervention qui a pris la forme d’une exposition, d’ateliers, de balades et lectures, a découlé l’édition d’un livre, Greenhouse Stories, et des échanges avec les architectes et d’ingénieurs locaux sur le devenir de ces serres.

Memo. Souvenir du futur © Pauline Assathiany
Pourquoi avoir contacté la Fondation Martell pour votre exposition “Memo” ?

LD : Nous avions rencontré Anne-Claire Duprat, la directrice de la Fondation Martell, dans le cadre de l’exposition Almanach en 2023. Elle exposait l’un de nos projets : un film accompagné d’une performance. Par la suite, nous sommes restés en contact et nous lui avons présenté le concept de Memo, de même qu’à Marie Pok, la directrice du CID. Et elles ont décidé de coproduire l’exposition.

Lamisigo, collection SS2024 Bonde la Vivuli _ Valley of Shadows © Bugu Ogisi / Corset bicolore en tissu d’écorce / Two-tone corset made from bark fabric.
Design textile, pièces sonores… Face à tout ce que l’exposition comporte, quel est son but ?

OL : Montrer qu’il y a une perte de lien avec la terre. On pense toujours que le changement climatique est loin de nous, mais l’exposition appelle à être plus attentifs sur ce qui nous impacte directement ou indirectement. On veut que l’exposition puisse susciter des conversations, parler à tout le monde.

Combien de temps avez-vous travaillé sur cette exposition ?

LD : Près de trois ans.
OL : Notre travail prend du temps car il porte sur les interactions qui unissent les communautés humaines et non-humaines avec les paysages qui les entourent, et il se nourrit de l’actualité. Dans le contexte de la crise environnementale, nous nous sommes intéressés à des projets d’art et de design qui s’appuient sur des faits réels.

Lamisigo, collection SS2024 Bonde la Vivuli _ Valley of Shadows, © Bugu Ogisi / veste bicolore en tissu d’écorce / Two-tone jacket in bark cloth.
Qu’avez-vous retenu du processus de sélection des œuvres ?

OL : Que le travail de curateur peut s’apparenter à celui d’un « traducteur ». Il faut rendre les œuvres lisibles et illustrer le parcours créatif des artistes. Il y a donc des anecdotes dans cette exposition où les projets proviennent de continents différents et sont multiformes (objets, vidéos, textes…). Nous avons découvert des territoires lointains, comme la Nouvelle-Zélande, avec l’artiste sonore et écrivaine Sally Ann McIntyre, et le Ghana et le Nigéria, avec l’artiste textile Bubu Ogisi.

Quelle œuvre a constitué le point de départ de l’expo ?

OL : La numérisation de Tuvalu par Collider et The Monkeys, deux agences de création australiennes. Pour parvenir à reconstituer cet archipel de l’océan Pacifique, elles sont basées sur des images prises des suites de la conférence de la COP26 durant laquelle le pays annonçait qu’il était destiné à disparaître sous la montée des eaux d’ici la fin du siècle et qu’il avait décidé de numériser entièrement sa culture et sa géographie pour les préserver dans le métavers.
LD : Plus qu’une œuvre, c’est un projet de communication qui nous a poussés à concentrer nos recherches sur des projets capables de sauvegarder ou de réactiver de manière sensible la mémoire de lieux ou encore d’espèces en voie de disparition.

Quels projets se font l’écho de réalités proches des visiteurs ?

OL : Nous avons fait des choix qui reflètent la proximité des territoires de la Fondation Martell à Cognac, dans le Sud-Ouest, et du CID à Boussu, dans le Hainaut. L’un d’entre eux est le tapis de la designer néerlandaise Liselot Cobelens (conçu pour la marque CS rugs, il représente une cartographie des zones sujettes aux sécheresses et inondations aux Pays-Bas, et qu’elle brûle pour montrer les endroits impactés, NDR). Un autre est la performance de la designeuse Roberta Di Cosmo. Petite-fille d’un sommelier spécialisé en huile d’olive, elle a fait le constat des ravages provoqués sur les cultures d’olives par la Xyllela Fastidiosa, une bactérie qui pourrait également s’attaquer aux vignes du paysage cognaçais.

Memo. Souvenir du futur © Pauline Assathiany
Une table de médiation est située au centre de l’exposition…

OL : Il était pour nous important que ce type d’espace soit au cœur de l’exposition car souvent dans les musées, il se trouve à part.
LD : Cette table, conçue par le scénographe Olivier Vadrot, offre une halte au visiteur, adulte ou enfant, et est une sorte d’oasis qui permet de faire une pause pour comprendre en détail le contexte des œuvres, feuilleter un livre qui s’y rapporte ou bien encore dessiner ou fabriquer quelque chose.

Memo. Souvenir du futur © Pauline Assathiany
Comme toute la scénographie, elle est éco-conçue. Même le livret de l’exposition est écologique. Et le transport des œuvres ?

OL : On voulait effectivement que le discours porté à travers des projets exposés et de la production même de l’exposition soit aligné.
LD : L’atelier de design graphique WIP Office a choisi de travailler uniquement avec des supports papiers responsables. Il les a imprimé en une seule fois et en noir et en cyan, des couleurs résistantes à la décoloration. Aussi, par le passé, certaines de nos scénographies ont été réutilisées. Nous voulons que ce soit le cas ici. Les conversations sont lancées avec la Fondation Martell et le CID. Aussi, les deux institutions réfléchissent à des moyens pour réduire les émissions de CO₂ liées au renvoi des œuvres dans leurs pays d’origine, comme l’acquisition de certaines d’entre elles quand cela fait sens avec leur collection. Le caractère nomade de l’exposition contribue enfin à alléger son empreinte carbone, l’idée étant qu’elle voyage dans d’autres grands musées européens.

Portrait © Olly Cruise

Interview par

Mikael Zikos

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