Grégory Derkenne : l’image vraie

Grégory Derkenne :
l’image vraie

Categorie: Interviews
Date de publication:
©Grégory Derkenne

Depuis 15 ans, il photographie les plus grands mannequins, comédiens et réalisateurs pour les magazines clé de la scène internationale (Elle, Vogue, I-d, Harper’s Bazaar…). Pendant 10 ans, il a aussi collaboré étroitement au développement du label belge Filles à Papa. Rencontre avec un liégeois à la discrétion inversement proportionnelle à la portée de son travail.

©Grégory Derkenne
Vous avez photographié Helena Christensen, Charlotte Rampling, David Lynch, Diane Kruger … Vos photos figurent dans les magazines les plus en vue du monde. Quand, exactement, avez-vous décidé de devenir photographe de mode ?

J’ai d’abord suivi un cursus très académique, puis j’ai bifurqué vers la peinture et la décoration avant de m’inscrire à Saint-Luc en photographie. J’ai terminé mes études en 2004 et tout s’est enchaîné très vite. En fait, ce n’est pas tant le vêtement qui m’intéresse, mais plutôt les significations qu’il renferme. La mode, de par son fonctionnement, rassemble tous les ingrédients nécessaires pour raconter une histoire, mais aussi rencontrer des gens, créer des concepts stylistiques… Mon moteur, c’est la curiosité. Dans la mode, c’est avant tout la narration qui m’intéresse.

Pendant plusieurs années, vous avez collaboré étroitement avec la marque belge Filles a Papa qui, à l’époque, en était aux prémices de son histoire. Pourquoi ?

Ce qui m’intéressait dans le projet Filles a Papa, c’était la possibilité de partir d’une page blanche. La construction de la marque est devenue mon terrain de jeu, l’expression de référents esthétiques qui m’étaient chers, qu’il s’agisse d’une dégaine, d’un esprit « no make-up » ou d’un « masculin féminin », moins généralisé à l’époque. Je pouvais aller à l’encontre des images très léchées en vogue dans les années 2000 pour en revenir à une esthétique de la débrouille, moins parfaite, plus nuancée.

©Grégory Derkenne
Pour cette marque, vous avez conçu deux calendriers où les filles étaient entièrement nues…

Ce n’était en aucun cas de la provocation. J’ai juste eu envie de me distancier des marques qui, dans leur quête de rentabilité, cherchent à atteindre une visibilité maximale. Dans ce cas-ci, le point de vue était avant tout artistique. Je souhaitais que les images soient intemporelles, libres de toute idée de saison et de contraintes commerciales. L’idée était de créer des visuels plus « sincères » qui mettaient en lumière les égéries de la marque.

Sur votre page Instagram, vous repostez des images plus anciennes. Une manière d’insister sur le fait que, dans la mode, tout n’est pas périssable ?

Je ne suis pas une marque. Je me sens donc libre d’alimenter ma page Instagram quand j’en ressens l’envie, c’est-à-dire de manière purement aléatoire, plutôt que dans une approche stratégique ou en fonction de mon actualité. Il m’arrive de ne rien publier pendant plusieurs mois alors que j’ai signé des éditos dans des magazines internationaux. Si je reposte une image, c’est pour ce qu’elle représente, pas pour le vêtement, ni pour ce que la publication peut m’apporter. C’est peut-être aussi une conséquence de ma nature discrète. Le studio reste mon antre de création.

Le secteur de la mode a énormément évolué ces dernières années. Ces bouleversements ont-ils un impact sur l’image de mode ?

Notre manière de consommer la mode a changé, entraînant avec elle une nouvelle manière de consommer les images. Elles ont perdu leur statut. Aujourd’hui, on fait face à un trop-plein d’images.

©Grégory Derkenne
Vos photos dégagent une sensualité brute où les retouches n’ont pas vraiment leur place.  On se souvient de vos pochettes d’album pour Soldout ou de vos campagnes pour la marque belge Lilu.

Je cherche juste à proposer autre chose, quitte à prendre le contre-pied des tendances. En fonction des projets, je passe d’une esthétique à une autre. Pour chacun, j’essaye de développer des codes qui lui sont propres sans appliquer de recette toute faite. Je ne crois pas que la signature d’un photographe soit liée à un style d’image ou une gamme de couleurs. Je veux avant tout créer un dialogue qui soit nouveau et en phase avec ce que j’ai envie d’exprimer à ce moment-là.

Vous habitez à Liège. Pourquoi avoir choisi de rester en Belgique ?

Même si j’ai eu l’occasion d’expérimenter la vie dans d’autres villes du monde, je n’ai jamais souhaité m’installer ailleurs. J’adore voyager pour le travail, mais ça se limite à ça. En Belgique, on a la chance de côtoyer des talents créatifs, mais surtout des personnalités très humbles. La manière de travailler est plus détendue ici qu’ailleurs. Pourtant, les designers tracent leur propre chemin. Si on observe les marques belges dont on parle en ce moment (Léo, Christian Wijnants, Filles a Papa, Lilu, Jean-Paul Lespagnard, La Fille d’O…), elles ne ressemblent à aucune autre. On ne sent aucune volonté de mimétisme comme ça peut être le cas en France, par exemple.

Après quinze ans de carrière, quelle est votre source de motivation ?

Comme aux origines de mon métier, je n’envisage pas ma carrière de manière globale. J’ai autant de plaisir à travailler sur un édito, que sur une pochette d’album ou un projet d’exposition ; des projets dans lesquels j’essaye de m’investir le plus honnêtement possible. Tout est une question de compromis entre les besoins du client et mes référents personnels. Pour ce qui est de mes productions plus personnelles, j’ai tendance à gommer tous les éléments qui pourraient faire référence à une tendance ou une époque trop précise. Ce sont des images que je destine plus volontiers à une structure classique telle qu’une exposition, plutôt qu’aux réseaux sociaux. Mon travail doit rester simple et naturel. Si on réfléchit trop longuement à une image, elle perd sa réelle nature.

Interview par

Marie Honnay

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