Rencontre avec Jérémy Van Mullem, fondateur de Relieve Furniture : une solution de nouvelle génération pour se meubler avec du design de seconde génération. Mi-marketplace avec près de 12 000 références de mobilier de marque, mi-agence de conseil qui accompagne les entreprises pour l’aménagement de leurs bureaux, la start-up a déjà séduit de grandes firmes belges ainsi que des particuliers avec son offre complète et compétitive.

D’où vous est venu le concept de Relieve Furniture ?
J’ai créé l’entreprise en 2020. C’est la petite sœur d’une société fondée par mon père, que je regardais de loin et qui s’appelle Hu-Bu. Elle met en relation les entreprises et le milieu associatif. Via cette activité, mon père s’est rendu compte que beaucoup d’associations et d’écoles cherchaient du matériel et du mobilier de bureau tandis que beaucoup d’entreprises s’en débarrassaient. Le concept de Relieve Furniture est directement issu de cette observation et de l’opportunité que ce mobilier non utilisé représente, ce qui m’a donné l’idée de développer une marketplace dédiée à la mise en vente du design de bureau ayant déjà servi. Mon envie était aussi de vouloir lancer un projet qui ait du sens.

Quels sont les chiffres en termes de surplus de meubles en entreprises ?
On parle actuellement de plus 42 millions de mobilier et matériel de bureau qui finissent à la poubelle chaque année, rien qu’en Europe. 90 % de ce matériel est incinéré, faute de solution, et 2 % seulement est recyclé. En Belgique, plus d’un million d’articles par an finissent à la poubelle ! Depuis le départ, la mission de Relieve Furniture est donc de lutter contre ce gaspillage intensif en proposant une solution de réemploi de mobilier de bureau qui soit professionnelle.
Avez-vous repéré des entreprises similaires en Belgique ou à l’étranger avant d’imaginer Relieve Furniture ?
Le concept directeur de Relieve Furniture est de donner une deuxième vie au mobilier standard et design, mais notre activité a évoluée : en plus d’être une marketplace pour la revente de meubles, nous proposons aussi des services pour les entreprises, qui vont du débarras et déménagement de meubles dans le cadre de leur vente, jusqu’à l’accompagnement de clients pour aménager de nouveaux espaces de travail. On est encore pionniers en Belgique, mais aussi du côté de la France et de l’Angleterre, où l’on vise de s’implanter prochainement.
Quels sont les profils des entreprises clientes de Relieve Furniture ?
Depuis notre lancement, plus de 5 000 profils d’écoles, d’associations, d’entreprises publiques et privées, d’espaces de coworking, mais aussi d’indépendants, nous sollicitent. Notre service compétent encadre totalement les entreprises dans leurs démarches de mise en vente du mobilier qu’elles n’utilisent plus, de l’inventaire de leurs pièces qui ont le potentiel d’être réemployées, de leurs prises des dimensions, photos, jusqu’à leurs mises en ligne sur notre site web.

Comment travaillez-vous ?
Pour la partie débarras, pour alimenter la plateforme de vente, on a beaucoup de demandes. On œuvre beaucoup avec le secteur bancaire, celui de la mobilité et celui des assurances, qui ont un très grand nombre d’articles potentiels. Le petit plus non négligeable que Relieve Furniture propose est le bilan carbone que nous délivrons à la fin de chaque débarras et déménagement. Les entreprises peuvent ainsi avoir une vision claire du travail que nous avons effectué ; voir ce que représente le réemploi d’un meuble en gain de CO2 est une information sur laquelle elles peuvent communiquer aussi.

Aujourd’hui, le prix semble plus important que la circularité ou l’écoconception pour certains clients. Comment répondez-vous à cela ?
Pour les entreprises, le design sur Relieve Furniture reste deux à trois fois moins cher que celui sur le premier marché. On vend un article de 30 à 50 % de son prix de vente initial et on propose uniquement du moyen et du haut de gamme, avec des produits de très grands éditeurs comme Knoll et Herman Miller, Pedrali, Moroso, Vitra… ou encore Kinnarps, Ethnicraft et Bulo du côté des marques belges. Pour proposer une véritable expérience au grand public, nous avons récemment lancé des ventes éphémères et nous allons ouvrir notre entrepôt principal à Bruxelles un jour de weekend par mois, annoncé sur le compte Instagram de Relieve Furniture.

La tendance du second marché dans la mode grandit fortement en Belgique. Quid du mobilier de bureau ?
Le marché belge pour ce secteur reste à la traîne mais la tendance va prendre de l’ampleur dans les mois à venir. Pendant ce temps, en France, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) stipule que tous les achats de mobilier effectués par l’État, les collectivités et leurs établissements doivent inclure au moins 20 % de produits réemployés, réutilisés ou reconditionnés. Ainsi, un pan de l’activité de Relieve Furniture touche aussi au lobbying. Nous soumettons des demandes de subsides auprès des services de la Commission européenne pour pouvoir avancer un peu plus vite à l’international et discutons avec les institutions et aussi auprès des entreprises qui produisent le mobilier.

Quel est votre procédé pour aboutir à du mobilier réutilisable, sûr et durable ?
À la fin de l’inventaire, qui dure généralement trois à cinq jours, on fait un « quality check » pour évaluer ce qui peut être utilisé et ce qui doit être éventuellement modifié voire réparé. Pour le stock, nous travaillons en flux tendu, ce qui nous permet de livrer directement des entreprises débarrassées au client final. Cela évite un transport supplémentaire pour des raisons écologiques et optimise par la même occasion les coûts logistiques.

Collaborez-vous directement avec les marques, fabricants et éditeurs, de mobilier de bureau ?
Pour certains projets d’aménagements intérieurs qui nécessitent plus de pièces que ce que nous avons, nous collaborons parfois avec des sociétés implantées en Belgique comme Vitra Circle à Evère, qui donne une seconde vie au meubles de la marque suisse. D’un autre côté, nous pouvons proposer certains de nos produits à des entreprises qui souhaitent commercialiser du mobilier pour parvenir à la circularité. Nous aimerions aussi faire appel aux antiquaires et aux architectes d’intérieur car nous récupérons beaucoup de pièces iconiques du design dans des grandes entreprises. Il n’est pas rare que nous tombions sur un fauteuil Wassily de Marcel Breuer ou encore des meubles originellement dessinés par Mies van der Rohe, Charles et Ray Eames, Jules Wabbes…

Jusqu’où va votre offre de « seconde main », au-delà du mobilier ?
Nous n’utilisons plus le terme « seconde main », ni « deuxième vie », on préfère les mots « circulaire » et « deuxième génération » car nous voulons sublimer l’article ou le matériel que l’on a. On reste ancré dans le mobilier de bureau (tables, chaises, fauteuils, rangements), avec du luminaire, et de temps à autre nous avons quelques écrans informatiques, ou des frigos Smeg, mais pas d’ordinateurs car cela nécessite un savoir-faire technique spécifique.

Après avoir été débarrassées voire meublées, les entreprises reviennent-elles vous voir ?
Oui, et beaucoup d’entre elles ! Elles ont pris le pli de la circularité et ont compris que Relieve Furniture est une solution fiable et économique. Le parallèle peut être fait avec Backmarket, pour les produits électroniques reconditionnés, dont l’offre pouvait rebuter à ses débuts mais qui est devenu un incontournable tant du côté B2C que B2B. On voit que la communauté Relieve Furniture grandit et que les gens sont rassurés, de l’achat aux services que nous proposons. C’est l’essentiel.