Jun Gobron: un design tout en légèreté

Jun Gobron: un design
tout en légèreté

Categorie: Interviews
Date de publication:
Buffet en bois
OWA ©Alexandre Bibaut

A 25 ans, lorsque ce belgo-japonais aux origines métissées, né en Namibie, a choisi de changer d’orientation professionnelle, il a pris l’une des meilleures décisions de sa vie. Baigné par différentes cultures, mais totalement ancré dans la dynamique de la scène design belge, il incarne la Belgitude 2.0.

Bread and butter ©Alexandra Bibaut
Qu’est-ce qui vous a amené au design ?

Après mes études d’économie à l’ULB, j’ai travaillé trois ans dans des multinationales, mais je n’étais pas très épanoui dans mon travail. J’avais besoin de m’investir dans un métier plus créatif. Depuis que je suis enfant, j’ai toujours dessiné. À 25 ans, j’ai commencé une formation en Architecture d’intérieur et Design à Saint-Luc Bruxelles. D’emblée, je me suis senti à ma place. Avant la fin de mon cursus, j’ai d’ailleurs décroché un poste dans un bureau d’architecture.

Vos études d’économie ont-t-elles influencé la manière dont vous envisagez votre métier de designer ?

L’économie m’a beaucoup apporté et m’aide au quotidien dans la pratique de mon activité. Le métier d’architecte d’intérieur ou de designer ne se limite pas à la partie créative… qui est assez minime en somme. Une fois qu’on a l’idée, il faut la réaliser. On devient en quelque sorte un chef de projet. Il nous incombe de gérer les différents intervenants, faire des budgets, des plannings… 

Parlez-nous de vos plus récents projets, justement.

Nous avons réalisé l’hôtel Yadoya en collaboration avec Michel Penneman. C’est un boutique hôtel d’inspiration japonaise (Yadoya veut dire « auberge » en japonais) situé dans le centre de Bruxelles. Je me suis beaucoup amusé à dessiner l’intérieur, le mobilier, comme la chaise Yado, ou encore l’éclairage sur mesure. J’ai eu l’occasion d’aller assez loin dans le concept, par exemple en dessinant des tables de chevet dans lesquelles j’ai intégré une pièce de 5 yens, symbole de bonheur et de bienveillance. 

Comment décririez-vous votre style ?

J’affectionne tout particulièrement les objets simples et épurés, à l’image du beurrier « Bread & Butter » formé par l’imbrication de plusieurs éléments en différents matériaux (bambou, aluminium, Corian), ou encore le trophée que j’ai dessiné pour Visit Brussels : une pièce en bois massif sculptée et laquée représentant le logo de la ville de Bruxelles. Mais c’est probablement la lampe Hikari, toute en légèreté, qui résume le mieux mon travail.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je me suis attelé à la rénovation d’une maison des années 1950 qui appartenait à mon grand-père. Je compte y habiter et y installer mes bureaux. Je veux que le lieu soit à l’image de mes créations, sobre et épuré, tout en gardant le charme de ses origines. Je souhaite aussi rénover cette maison pour la transmettre aux générations futures. Je suis papa d’une petite fille, Naomi. Elle sera la quatrième génération à habiter cette maison.

Vous semblez attaché à Bruxelles. Revendiquez-vous une certaine Belgitude ?

Je me sens avant tout belge ou plutôt bruxellois… même si parfois, les gens sont surpris de voir arriver un Japonais avec un accent belge. Pour moi, le point commun des créatifs belges, c’est leur capacité à s’amuser et à ne pas se prendre trop aux sérieux.

Pour les métiers créatifs, la crise du Covid-19 aura de lourdes conséquences. Quelle est votre vision de la situation ?

La crise est un réel choc, non seulement pour les créatifs mais pour tous les indépendants en général. Plusieurs de mes projets ont été reportés ou sont tombés à l’eau, mais je relativise…

©Fratelli Rossetti
Pour vous, y aura-t-il un « après crise » ? Comptez-vous changer votre manière de travailler ?

Oui certainement. Cette crise ne peut que nous amener à nous questionner sur l’intérêt de produire une table ou une chaise de plus. Avant la crise, je consacrais beaucoup d’efforts à sortir de nouvelles pièces. Désormais, je souhaite ralentir la cadence au niveau de la production et me consacrer davantage à ce qui a de valeur à mes yeux : la famille, les amis ou encore l’enseignement. Je donne actuellement des cours à Saint-Luc Bruxelles. 

De quel autre designer vous sentez-vous proche aujourd’hui ?

Je dirais Alain Gilles, avec qui j’ai travaillé à un projet pour la marque italienne de chaussures de luxe, Fratelli Rossetti. Nous avons un peu le même parcours. Je le considère comme un designer de talent mais aussi comme une personnalité attachante et un bon vivant.

Interview par

Marie Honnay

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