Jean-Paul Lespagnard : le local, quoi qu’il arrive

Jean-Paul Lespagnard :
le local, quoi qu’il arrive

Categorie: Interviews
Date de publication:
Extra-Ordinaire ©Ari Versluis

Lauréat du festival international de mode et de photographie de Hyères en 2008, le designer liégeois Jean-Paul Lespagnard s’est d’abord invité là où on l’attendait avant d’explorer une foule d’autres pistes. Chouchou de la presse, créatif insatiable, trublion de la mode belge, mais aussi personnalité attachante, ce grand voyageur a dressé, avant beaucoup d’autres, les contours de la mode 2.0.

Hyères, c’était en 2008 : une sacrée carte de visite et un plongeon dans un secteur sur le point de changer du tout au tout quelques années plus tard. Ces changements, vous les aviez vus venir, non ?

Après le festival, j’ai démarré ma carrière en explorant le système classique de la mode. J’ai eu des propositions de collaboration avec le Japon et des projets à Paris, mais la crise de 2008 a tout gelé ou presque. J’ai donc été obliger de réfléchir autrement. Ma démarche créative repose en grande partie sur mon besoin d’observer les choses, de les analyser. Impossible pour moi de m’immerger dans un projet sans comprendre le milieu social dans lequel j’évolue. A Paris, pendant les fashion weeks, quand je présentais mes collections en showroom aux acheteurs internationaux, j’ai rapidement compris que le système de la mode tel qu’il était organisé n’était plus connecté au monde réel. A l’époque, j’ai notamment introduit, avant beaucoup d’autres, la notion de « see now buy now », une approche qui s’écartait des rythmes qui faisaient figure de normes dans le secteur. Pour que les observations que j’avais faites à l’époque aboutissent à un vrai changement, il a fallu attendre mars dernier, le début de la pandémie. C’est dommage.

Vous dites avoir voulu créer votre propre jeu. Un jeu qui passe, entre autres, par votre boutique Extra-Ordinaire, un projet qui repose d’ailleurs sur votre analyse d’un secteur trop cloisonné. Expliquez-nous.

Quand je présentais mes vêtements à Paris, j’incluais toujours des objets. Pour moi, ils faisaient partie intégrante de l’histoire de la collection. Or, quand je retrouvais mes collections dans des boutiques internationales comme Corso Como à Milan, l’absence d’objets rendait l’ensemble moins cohérent, moins proche de mon univers. C’est de cette frustration qu’est née l’idée de cette boutique qui mixe vêtements et objets

Aujourd’hui, on parle beaucoup d’artisanat, mais pour vous, c’est la base-même de votre démarche créative.

Ce qui m’intéresse dans mon métier, c’est le contact avec les gens, les échanges humains et de savoir-faire. Pour les coussins qui sont vendus au magasin, je collabore avec un artisan de Bombay. Je n’arrive jamais chez un artisan avec une idée précise. Ce qui m’intéresse, c’est de voir comment il travaille et d’adapter mes demandes à ce que j’observe. C’est la rencontre de son histoire et de la mienne qui donne du sens à la création. Aujourd’hui, quand je découvre que cet artisan s’inspire de mon style – le mélange de différents tissus – pour ses propres créations, ça me ravit. J’ai l’impression que ma démarche a du sens.

Les voyages figurent au centre de votre vie, mais là encore, vous ne vous enfermez pas dans une seule approche.

Pour moi, fabriquer à l’étranger n’est pas une fin en soi. Tout comme le made in Belgium ne l’est pas. Pour certaines pièces, je travaille avec des ateliers belges. Pour d’autres, je vais voir du côté de l’Inde. Pas parce que c’est bon-marché, mais parce que j’y trouve une réelle plus-value en termes d’échanges. Peu importe où je me trouve, j’ai, d’une certaine façon, l’impression de faire du local.

Silversquare - Jean-Paul Lespagnard
Vous créez des costumes de danse et de théâtre depuis 2004, mais depuis un an, vous êtes impliqué dans un projet assez nouveau pour vous : l’aménagement d’espaces de co-working.

Quand Silversquare m’a demandé d’aménager leur futur espace de co-working du quartier des Guillemins, à Liège, ce qui m’a intéressé, c’était de partir d’une feuille blanche. Pour comprendre l’essence d’un tel espace, je suis allé travailler pendant plusieurs mois dans des bureaux partagés. Une fois encore, j’avais besoin de comprendre, d’observer, d’analyser. Quoi que je fasse, je ne veux pas juste être un créateur qui introduit des couleurs et des matières sur un vêtement, un objet ou dans un espace. Je suis wallon, belge, européen et citoyen du monde. Dans ma vision des choses, le local et l’international se mélangent en permanence. Ce qui m’intéresse, c’est la rencontre ; la base de tout.

Interview par

Marie Honnay

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