Le mois de la mode s’est conclu le 7 octobre à Paris. En quatre semaines, journalistes et acheteurs ont découvert les nouvelles collections des grandes Maisons dans les capitales de la mode. Fait marquant : une seule de ces collections a été imaginée par une femme, la Britannique Louise Trotter, chez Bottega Veneta.

Difficile à croire qu’en 2025, les grandes maisons comptent toujours si peu de femmes à leur tête. En Belgique, une nouvelle génération de talents s’impose dans l’industrie de la mode et la majorité de ces créateurs sont des femmes. Ce changement, attendu depuis longtemps, est accueilli avec enthousiasme. La première collection de Louise Trotter pour la maison italienne a été un véritable succès : à la fois fidèle à l’esprit de la maison et innovante. Tous les autres designers qui présentaient leur première collection cette saison étaient des hommes.

Dans sa brillante analyse du mois de la mode pour le New York Times, la journaliste américaine Vanessa Friedman a déploré la tendance de certains créateurs à comprimer les corps féminins, à masquer leurs visages ou à leur imposer des accessoires étranges, comme des appareils dentaires. Elle faisait notamment référence à la première collection du belge Glenn Martens pour la Maison Margiela, ainsi qu’au dernier défilé de Nicolas Di Felice (belge lui aussi) pour Courrèges, lors duquel certaines mannequins portaient un voile.

Glenn Martens et Nicolas Di Felice sont indéniablement des créateurs talentueux, mais il faut reconnaître le courage et la pertinence de Vanessa Friedman, qui rappelle que la manière dont les femmes sont représentées sur les podiums n’est jamais anodine et peut avoir de réelles conséquences. En 2025, le corps des femmes ne devrait plus être enfermé dans des corsets d’un autre âge ni tourné en dérision par des accessoires superflus. Et si la mode choisissait enfin de leur donner du pouvoir, au lieu de continuer à les fétichiser ?

Sous bien des aspects, Marine Serre a ouvert la voie à une nouvelle génération de femmes audacieuses dans la mode, décidées à voler de leurs propres ailes. Dès sa sortie de La Cambre Mode[s], sa collection de fin d’études avait attiré l’attention d’Opening Ceremony, propulsant la jeune créatrice sur le devant de la scène internationale. Aujourd’hui, Marine Serre s’impose comme une marque internationale reconnue. Elle a, sans aucun doute, inspiré et encouragé de nombreuses créatrices à franchir le pas et à croire en leur propre vision.

Les jeunes créatrices belges défendent désormais l’idée que les femmes ont le droit d’exprimer leur style sans pour autant devenir des caricatures. Marie Adam-Leenaerdt a dévoilé une collection ambitieuse dans la salle de répétition de l’Opéra Bastille, un lieu emblématique pour le public français. Ses créations, à la fois ludiques, élégantes et ingénieuses, séduisent toutes les générations : les adolescentes, leurs mères et même leurs grands-mères. Inspirée par l’univers du voyage, la créatrice bruxelloise a imaginé des bagages cabine à compartiments multiples et des tenues modulables selon les besoins : une solution pragmatique aux angoisses liées à la préparation des valises. Entre ironie subtile et esprit surréaliste typiquement belge, Marie Adam-Leenaerdt marie fonctionnalité et élégance dans des pièces aussi pratiques que faciles à porter. Allier sens pratique et fantaisie est un art que les créatrices maîtrisent sans conteste, même si parvenir à un tel équilibre reste un exercice délicat.

Pour Meryll Rogge, garder les pieds sur terre reste essentiel. Elle a clôturé la Fashion Week de Paris avec une collection résolument jeune, inspirée du gothique, du rock et du punk. Lauréate du prestigieux prix de l’ANDAM en juillet dernier, elle a depuis été nommée directrice artistique de Marni. Installée à Milan avec sa famille depuis l’été dernier, Meryll Rogge continue de se rendre régulièrement en Belgique pour développer sa propre ligne. Elle a également présenté plusieurs looks masculins marquants, inspirés des années 1970 et de la culture ska. L’identité belge de son travail s’exprime dans l’attention qu’elle porte à la qualité, à l’originalité et à l’authenticité. Même les modèles les plus audacieux restent pensés pour être portés au quotidien. Parmi les pièces phares de la collection : des robes colorées en dentelle et en satin, des blousons en cuir oversize et des jupes matelassées, rappelant l’univers de la randonnée. Meryll Rogge a su combiner ces éléments pour conférer à la collection une allure fraîche et spontanée en prenant plus de libertés que d’ordinaire.

Julie Kegels est une autre créatrice belge qui s’impose progressivement dans l’industrie grâce à une approche ludique et fonctionnelle de la mode féminine, plaçant les besoins réels des femmes au centre de ses créations. Dans sa dernière collection, elle explore la transformation du quotidien : des tenues pensées pour accompagner les femmes du matin jusqu’au soir. Si certaines pièces semblaient volontairement inachevées, avec des bretelles de soutien-gorge apparentes et des formes étirées, le résultat restait élégant, jamais provocateur. La beauté des créations de Julie Kegels résonne auprès d’un large public féminin et son parcours s’annonce des plus prometteurs.

Impossible d’évoquer la Fashion Week de Paris sans mentionner le défilé Chanel, lors duquel le créateur franco-belge Matthieu Blazy a conquis le public avec une collection qui réinterprète les codes emblématiques de la maison pour les adapter à une nouvelle ère. En revisitant le tailleur Chanel, Matthieu Blazy cherchait à lui donner une allure plus décontractée, en misant sur des textiles innovants et des ornements subtils. Toutefois, certaines pièces, notamment les vestes cintrées rappelant les épaulières du football américain, semblent plus conceptuelles et moins faciles à porter. Les créations les plus sobres se sont révélées les plus réussies : des chemises pour hommes raffinées, issues d’une collaboration avec Charvet, et une robe de soirée en satin crème, au drapé fluide rappelant le mouvement de l’eau sur le corps. Globalement, cette collection est une proposition forte de la part du diplômé de La Cambre Mode[s], fort de son expérience préalable chez Bottega Veneta à Milan.

Anthony Vaccarello maîtrise l’art du spectacle et sa dernière collection pour Saint Laurent l’a une fois de plus prouvé. Fidèle à son esthétique, le créateur revisite les années 80 et 90 avec des vestes de motard en cuir imposantes, des vêtements d’extérieur oversize et des robes de soirée spectaculaires aux accents flamenco. La réalisation des pièces était impeccable, mais la recette d’Anthony Vaccarello pour la maison française commencer à s’essouffler. Les épaules XXL des années 80 séduiront-elles encore les femmes en 2026 ? Rien n’est moins sûr. Si la nostalgie conserve son charme, la mode gagnerait désormais à se projeter vers l’avenir et à s’y engager résolument, malgré les incertitudes qui l’entourent.
En partenariat avec Catwalk Pictures, nous vous offrons un accès exclusif aux images des défilés mettant à l’honneur la création belge — qu’il s’agisse de créateurs établis, de jeunes talents ou de grandes maisons guidées par des directeurs artistiques formés en Belgique.
Photo titre: Dries Van Noten ss26 (c) Catwalkpictures