Depuis le lancement de sa marque éponyme en 2015, et après avoir trouvé un espace pour sa boutique pour se constituer une clientèle fidèle, Eva Velazquez considère toujours les vêtements anciens de la même façon : avec révérence, passion et attention.
Écouter Eva parler de sa passion pour les vêtements vintage peut être contagieux. Elle a parfaitement compris que l’upcycling était la voie à suivre.
Elle travaille en collaboration étroite avec son frère Hugo, dont la ligne novatrice de vêtements modernes réalisés en tissus recyclés est également vendue dans sa boutique.
Dans cette interview exclusive, nous avons discuté des effets psychologiques de la pandémie sur les clients, de la façon dont Eva admire les vêtements vintage, et pourquoi la façon dont nous achetons des vêtements fait également partie d’un style de vie plus large, qui nous définit de plus en plus en tant qu’individus.
Vous avez lancé votre marque en 2015, votre travail a été incroyablement constant depuis lors.
Lorsque j’ai commencé il y a 7 ans, j’ai décidé de suivre mes instincts et de me concentrer sur l’upcycling, je savais au fond que c’était la meilleure façon d’aller de l’avant. C’était probablement assez visionnaire de ma part à l’époque, mais je devais simplement suivre mon cœur.
Avez-vous toujours la même passion pour les vêtements ?
Absolument. J’ai toujours cru en ce projet, même si aujourd’hui, il y a encore beaucoup de travail. Je ne peux pas simplement compter sur ma créativité, il est important de savoir gérer les coûts, développer un procédé marketing qui me convient, etc. Évidemment, j’adore partir à la recherche de vêtements anciens, les nettoyer et les réparer, mais ce n’est qu’un aspect de mon métier.
Est-ce que la pandémie a changé votre manière de voir votre travail, et est-ce que vous avez remarqué un changement dans le comportement des clients ?
Ma méthode de travail consiste à éviter les stocks et à suivre la demande de mes clients. C’était assez nouveau lorsque j’ai commencé, mais je vois aujourd’hui d’autres marques fonctionner exactement de la même façon. Au début de la pandémie, j’ai dû fermer le magasin, parce que je n’avais pas de personnel pour la vente. D’un autre côté, je n’avais pas de stock et j’ai donc pu recommencer petit à petit lorsque les magasins ont pu rouvrir. Mon système m’a permis d’avoir beaucoup de flexibilité.
Combien de collections vendez-vous en magasin ?
Nous avons Ancien Atelier, Eva Velazquez et la collection de mon frère Hugo. Pour ma collection éponyme, je fonctionne avec des matériaux modernes et vintage, tous recyclés bien sûr.
Comment avez-vous réussi à vous constituer une clientèle fidèle et internationale ?
Cela s’est fait petit à petit. J’ai travaillé dur pour éduquer mes clients afin de leur faire comprendre pourquoi les vêtements vintage sont importants et pourquoi ils doivent être nettoyés, réparés et restaurés afin de leur donner une toute nouvelle vie. J’aime beaucoup le fait que les vêtements ont un passé et qu’ils ont leur propre histoire.
Allez-vous lancer une boutique en ligne ?
Pour être honnête, j’essaie de trouver de nouveaux moyens de toucher davantage de personnes, sans compromettre mes valeurs et mes principes. Je ne veux pas vendre des vêtements anonymes à des inconnus, mais je me suis rendu compte qu’en montrant une nouvelle silhouette en ligne chaque semaine et en expliquant vraiment de quoi il s’agit, je pouvais répondre à une demande croissante de clients étrangers sans aller à l’encontre de mes principes.
Beaucoup ont pensé que la pandémie serait une occasion de repenser la mode et de créer un réel changement. Quel est votre ressenti ?
J’ai senti une nouvelle prise de conscience de la part de mes clients pendant la pandémie. Tout à coup, les gens réfléchissaient davantage aux raisons pour lesquelles ils consommaient et à la manière dont leurs habitudes de consommation pouvaient affecter d’autres personnes. Aujourd’hui, nous pensons beaucoup plus à ce que nous mangeons par exemple, alors pourquoi ne pouvons-nous pas penser de la même manière aux vêtements que nous achetons ? Après la pandémie, j’ai commencé à me demander si les gens ne perdaient pas progressivement cette prise de conscience.
Il y a tellement de contradictions dans notre industrie actuellement. Pensez-vous que l’authenticité est le meilleur moyen de lutter contre cela ?
Bien entendu. Mon discours n’a pas changé au fil des années, j’adore toujours fonctionner de manière artisanale. Cela me permet d’atteindre des chiffres énormes ? Non, pas du tout. Mon travail est avant tout une question de passion et d’amour de la collection. Lorsque je vais aux puces en France, en Espagne ou en Italie et que je remarque une pièce spéciale sur le sol, c’est ce qui me pousse à continuer. Je vois tellement de beauté dans les vêtements qui ont une histoire. Ce qui me réconforte aussi, c’est l’idée que les pièces que je vends vont probablement vivre encore 20, 30, voire 40 ans. En tant que designer, j’en suis très fière. J’ai travaillé avec de nombreuses marques commerciales, ce qui m’a permis d’apprendre beaucoup et de comprendre pourquoi je suis ici aujourd’hui à faire ce que je fais. Mes vêtements sont ce que je laisse derrière moi, c’est devenu mon héritage en quelque sorte.