En 2025, le poste fashion director est à la fois polyvalent et exigeant. Pour Élodie Ouédraogo, la mode représente un levier puissant pour défendre les valeurs qui lui tiennent à cœur, ainsi qu’à sa communauté. Le secteur s’affirme d’ailleurs de plus en plus comme une voix influente sur des enjeux majeurs tels que la diversité, l’inclusion sociale et la mode durable.

Élodie Ouédraogo a jusqu’ici su concilier les exigences des annonceurs avec la mise en lumière de talents belges émergents — qu’ils soient artistes, musiciens, photographes ou designers. En cultivant un subtil équilibre entre créativité et impératifs commerciaux, elle a su faire d’Elle Belgique un espace de contenu mode à la fois inspirant et audacieux, un exploit d’autant plus remarquable dans le contexte actuel de crise du secteur de l’imprimé.
Lors des Fashion Talks à Anvers, nous avons rencontré Élodie Ouédraogo pour échanger sur la réalité que les magazines devraient refléter aujourd’hui, l’origine de sa passion pour les vêtements, et son parcours créatif dans le domaine de la mode depuis l’enfance.
En tant que directrice mode du magazine Elle Belgique, comment envisagez-vous votre rôle aujourd’hui ?
L’inclusion est pour moi une valeur essentielle. Mon parcours m’a menée du sport de haut niveau au monde du spectacle, puis à celui de la mode, sans que je ne croise souvent des figures auxquelles je pouvais réellement m’identifier. J’ai dû tracer ma propre voie, me battre pour chaque avancée. Rien ne m’a été donné, et chaque étape a été un défi. Devenir parent a marqué un tournant dans ma vie. Je me suis mise à réfléchir au chemin que mon enfant allait parcourir. J’ai toujours été fière de mes accomplissements, mais en rejoignant Elle, j’ai compris que le véritable défi serait de rendre le magazine plus représentatif de la société, en y intégrant davantage de diversité et d’inclusivité. Je veux que les jeunes lisent Elle et puissent se reconnaître dans ce qu’ils voient. Être représenté, c’est essentiel. C’est ce qui me motive chaque jour, et c’est une cause qui me tient profondément à cœur.

Quelle a été la première étape importante que vous avez franchie au cours de votre première année en tant que directrice mode ?
Mettre Mous Lambarat en couverture du numéro de septembre dernier a été, pour moi, un geste fort et symbolique. Je veux que Elle soit un tremplin pour les talents belges émergents. J’ai un vrai coup de cœur pour le travail de créatrices comme Meryll Rogge, Julie Kegels ou Marie-Adam Leenaerdt, que je porte avec fierté. La mode ne se résume pas aux grandes maisons. Il y a en Belgique des créateurs incroyablement doués qui méritent d’être vus et reconnus. Bien sûr, les réalités commerciales existent et ne peuvent être ignorées. Mais en tant que directrice mode, je tiens à donner de la visibilité aux marques indépendantes, qui apportent fraîcheur et singularité au paysage stylistique.

Pensez-vous que des progrès ont déjà été réalisés dans le secteur ?
La prise de conscience autour de l’inclusion et de la diversité a clairement progressé, mais le risque de retomber dans les anciens schémas persiste. La diversité corporelle ne doit jamais être traitée comme une tendance passagère — c’est une réalité de notre société. Chez Elle, nous avons à cœur de montrer différents types de corps, au-delà des silhouettes minces et stéréotypées. C’est vrai, habiller quelqu’un qui ne correspond pas à la taille standard des échantillons demande plus de créativité, notamment en coiffure et en stylisme. Mais quand tout fonctionne, le résultat est souvent bluffant. Aujourd’hui, les magazines ont la responsabilité de refléter le monde tel qu’il est, dans toute sa diversité.
À l’heure actuelle, ce sont majoritairement des créatrices qui incarnent le renouveau de la mode belge. Que vous inspire cette génération montante ?
C’est remarquable de voir autant de grandes créatrices émerger actuellement en Belgique, et j’espère qu’elles s’inscriront durablement dans le paysage. Dans un secteur qui, malheureusement, continue de favoriser les hommes, il est essentiel de soutenir et de valoriser ces voix féminines fortes.

Tout au long des Fashion Talks, vos choix vestimentaires issus de marques belges ont particulièrement retenu notre attention et témoignent de votre véritable passion pour la mode. D’où vous vient cet amour pour les vêtements ?
Ma mère savait coudre et créait des vêtements pour mes frères et sœurs et moi. À cette époque, nos moyens étaient limités, alors je dessinais mes propres modèles, et elle choisissait les tissus pour les confectionner à la maison. Dès mon plus jeune âge, j’ai dû faire preuve de créativité. Plus tard, j’ai continué à faire fabriquer mes vêtements sur mesure, car ils me correspondaient mieux et reflétaient vraiment ce que je voulais. Certaines de mes tenues à la télévision ont suscité des critiques, parfois dures, voire racistes.
Pensez-vous que votre formation d’athlète vous a aidé à avoir les nerfs solides ?
Tout à fait. La discipline et la persévérance sont indispensables. Les refus ne font que renforcer ma détermination. Je ne me laisse pas décourager par une réponse négative et je ne prends jamais la vie pour acquise.

Quel rôle avez-vous joué dans les Fashion Talks cette année, et quelles ont été vos contributions concrètes ?
Avec ma collègue Elspeth Jenkins, rédactrice en chef de Marie Claire Belgique, nous avons été chargées par les organisateurs des Fashion Talks de choisir les intervenants, en sortant des sentiers battus. Je crois que nous avons réussi à réunir des voix uniques venant non seulement de Belgique, mais aussi d’Europe, du Royaume-Uni et des États-Unis.
Comment définiriez-vous la beauté ?
La beauté, c’est avant tout l’acceptation de soi, la sincérité et ce sentiment d’être en harmonie avec son corps. Elle repose sur une confiance intérieure, qui ne se trouve pas dans l’achat d’un énième sac à main de luxe. Quand cette assurance est vraie, elle se suffit à elle-même et il n’est pas nécessaire de la montrer.