Ce designer franco-irlandais né en Angleterre et basé à Bruxelles incarne ce que la Belgique fait de mieux en termes de multiculturalité. Rencontre avec un créateur prolifique, aussi à l’aise quand il s’agit de concevoir des produits de luxe pour Hermès, Philips, Delvaux ou LVM que lorsqu’il est invité à réfléchir sur les enjeux de la création contemporaine.
Parlez-nous de votre expérience en tant que designer.
Créer, c’est ce que je fais matin, midi et soir. Et cela ne s’arrête pas quand j’éteins mon ordinateur. C’est même à ce moment précis que commence ce que j’appelle la « créativité inconsciente ». J’ai commencé à travailler en tant que designer il y a vingt-cinq ans. D’abord aux Pays-Bas, où je suis resté vingt ans et ensuite, depuis cinq ans, ici à Bruxelles. Ces dernières années, j’ai travaillé entre Bruxelles et Paris pour Hermès, Delvaux et plus récemment pour Louis Vuitton. Et ensuite ? J’ai l’impression que mon évolution de carrière me conduit lentement vers le sud !
Quel regard portez-vous sur la création belge ?
La création belge, c’est beaucoup de choses à la fois. Je dirais qu’elle reflète bien le pays dans le sens où elle est intéressante, diversifiée, humble et parfois… sur la réserve. Je l’aime parce qu’elle coïncide avec mes propres valeurs. Cela dit, il pourrait y avoir une plate-forme plus solide pour sa promotion. « Belgium is Design » est une excellente initiative, mais elle devrait dépasser le cadre des grands salons annuels.
Vous qui êtes basé à Bruxelles, avez-vous le sentiment de partager cette identité belge ?
À titre personnel, parce que je suis franco-irlandais, né en Angleterre et élevé aux Pays-Bas, le mix cosmopolite qui caractérise Bruxelles me fait me sentir chez moi, également en tant que designer. J’ai d’ailleurs conçu une partie de la collection Magritte pour la maroquinerie belge Delvaux. Plus récemment, j’ai dessiné pour Rosenthal le bol Cappello, un objet qui peut être considéré comme un hommage à la nature surréaliste de la Belgique.
Vous avez remporté des prix prestigieux, comme l’incontournable Red Dot ou encore le BrownPrize. Quel est l’impact de ce genre de distinctions dans la vie d’un designer ?
Quand on débute dans le métier, ces prix sont un bon moyen de gagner en reconnaissance. Mais aujourd’hui, il existe tellement de prix que lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention des médias ou du public, les jeunes designers privilégient les réseaux sociaux. Au final, ce qui compte vraiment, c’est de voir vos créations produites, puis achetées par les gens. La vraie reconnaissance, c’est ça.
À l’ère du « green washing », qu’en est-il de la notion de durabilité dans le domaine du design et de la création ?
La durabilité nous concerne tous, mais, paradoxalement, en raison de lois toujours plus strictes, ce sont les grandes entreprises qui sont le plus souvent tenues de rendre des comptes. C’est une bonne chose. Bien sûr, les petites entreprises ont aussi un rôle à jouer, mais leur impact est moindre. Cela étant, si nous faisons tous des efforts, chacun à notre niveau, nous arriverons, je l’espère, à faire bouger les choses.
La manière dont le design est distribué est en pleine mutation. Quelle est votre opinion sur cette évolution?
Quand il s’agit de lancer de nouveaux produits sur le marché, la notion de distribution est en effet un aspect clé. Conscientes que leur survie en dépend, les grandes entreprises ont investi massivement dans les nouveaux modes de distribution. De leur coté, les petites structures doivent faire un choix. Qu’elles choisissent de rester des acteurs locaux, de vendre en ligne ou d’exporter par le biais de distributeurs internationaux, ce ne sont pas les outils qui manquent. L’important, c’est de trouver celui qui leur convient le mieux.
Vous sentez-vous proche d’autres designers ou artistes belges?
Je suis arrivé à Bruxelles il y a cinq ans, mais je continue à travailler pour Hermès et Louis Vitton à Paris. Ma connaissance des artistes et designers est donc surtout sociale. J’adore le travail de Charles Kaisin pour son coté théâtral, mais aussi celui de Muller Van Severen pour l’aspect atypique et décalé de leur travail, et celui de Linde Freya Tangelder pour son sens de l’épure artistique.
Au travers des divers salons et foires organisés tout au long de l’année, le design bruxellois s’offre une vitrine de plus en plus large. Quel est, selon vous, l’impact de ces rendez-vous?
Brussels Design September est un bon tremplin pour créer une émulation au niveau local, mais comme ce festival est étalé sur un mois entier, il n’a pas la capacité d’attirer une foule internationale. Collectible, d’autre part, a fait un excellent travail pour attirer des galeries et des visiteurs de toute l’Europe et au-delà. Belgium is Design est à mi-chemin entre les deux. Dans l’idée d’élargir la portée économique du secteur dans son intégralité, je pense qu’il y a un rôle majeur à jouer.