Les desseins design de Joachim Froment

Les desseins design de Joachim Froment

Categorie: Interviews
Date de publication:

Artiste dans l’âme et designer industriel dans la vie, avec un sérieux penchant pour les nouvelles technologies, Joachim Froment passe d’un projet à un autre avec une aisance rare et une vision solide à tout épreuve. Actif au sein de l’agence de design et de tech Futurewave, qu’il a cofondé à Bruxelles, il développe tant des produits pour entreprises wallonnes que pour marques étrangères, comme Flos Bespoke et bientôt Rado. Selon ses mots, vendre du rêve ne l’intéresse pas, créer du rêve, oui.

Pourquoi avoir choisi de devenir designer ?

J’ai toujours beaucoup dessiné. D’une part, je cultive une fibre artistique et d’autre part, je suis passionné de science et d’inventions. À partir de l’adolescence, je dessinais des nouveaux types de train à inventer etc. Ce n’est qu’après que j’ai pris connaissance du métier de designer. Quand j’ai commencé à La Cambre, on m’a dirigé vers la spécialité dessin, mais je n’aimais pas l’aspect parfois intangible de l’art. La symbiose entre art et technologie, donner du sens aux objets du quotidien avec des procédés nouveaux ou bien ancestraux, est ce qui m’a motivé à me former comme designer.

Futurewave Team
Vous êtes diplômé en design industriel à La Cambre et en design produit au Royal College of Art de Londres. Qu’avez-vous appris de ces deux écoles ?

À Bruxelles, La Cambre est une excellente école pour parfaire sa maturité artistique. L’encadrement technique, la relation que le designer industriel doit créer entre le produit et l’utilisateur, cet exercice d’empathie, je l’ai appris lors de mon master Design Products au Royal College of Art à Londres. J’ai eu de la chance d’avoir des professeurs de renom. Sir Kenneth Grange (cofondateur de la grande agence Pentagram, NDLR) était l’un d’entre eux.

Vous êtes né en 1993 et citez volontiers comme inspiration des designers des années 90 et 2000, comme Ron Arad et Konstantin Grcic, eux aussi issus de cette dernière école…

Oui, et comme Sir James Dyson aussi. Tous ont un lien avec une pratique à la fois proche du dessin et de l’industrie. Peu importe les générations, les designers sont soit dans l’un ou dans l’autre, pour moi ces deux disciplines vont de pair. L’agence Futurewave que j’ai cofondée il y a cinq ans maintenant, est née de ce constat.

Strat Lounge for Adidas (c) Eline Willaert
Que reste-t-il à créer aujourd’hui, en pleine crise environnementale ?

C’est une question que doivent se poser tous les designers, je crois : « Qu’est-ce qu’il me légitimise à créer une nouvelle chaise ? » C’est pour ça que la tech est un vrai outil de nos jours, pas simplement une option dans la conception d’un produit. Face aux évolutions rapides de la société, il faut créer un attachement à l’objet, et la technologie aide en cela. Pour moi, c’est important car il faut générer des relations de long terme. Dans cette optique, il faut distinguer l’obsolescence émotionnelle de l’obsolescence technique et je rêve que les produits de Futurewave aient une forme de pérennité. L’obsolescence émotionnelle est plus importante, elle guide même l’obsolescence technique : une fois que vous ne voulez plus d’un objet, vous le jetez, malheureusement, ou le remplacez.

De qui se compose Futurewave ?

D’une équipe de plus ou moins 25 employés, ingénieurs électroniques (hardware, software), mécaniques, industriels, stratégistes, designers, designers industriels et designers UX pour ce qui est de l’expérience utilisateur des produits que nous développons. La diversité est clé dans notre pratique au quotidien. Normalement les équipes de design internes aux entreprises sont très polarisées, c’est justement ce que l’on veut éviter. C’est par la collaboration que l’on arrive à bien faire notre métier.

Strat Lounge for Adidas (c) Eline Willaert
Comment avez-vous travaillé avec des marques internationales comme Sony et Adidas ?

Pour Sony, nous avons participé au développement de sensors pour leur implication dans le milieu du transport automobile. (C’est un pan de leur activité qui est très peu connu du public.) Pour Adidas, qui fait beaucoup pour intégrer l’écoconception dans ses produits, mais pas seulement, il s’agissait de s’appuyer sur la technologie de l’impression 3D avec du plastique recyclé pour réaliser du mobilier et des intérieurs, comme des showrooms et l’un de leurs quartiers généraux, situé à Berlin (le designer avait déjà réalisé la série d’assises Strat en écoplastique, NDLR).

Digital frame for Ionnyk © Futurewave
Et en Belgique, avec les vélos électriques Cowboy et les cadres numériques Ionnyk ?

Chez Cowboy, nous avons contribué au développement technologique de leur système de batterie, en optimisant leur performance et leur robustesse dans un produit au design très épuré. Nous avons travaillé sur divers composants électriques, le Bluetooth, la cellular connectivity (normes 2G et LTE) et le GPS pour la data acquisition, en s’occupant également des certifications complexes de mise en conformité et de sécurité RED et FCC. Pour Ionnyk, nous avons assuré la création complète du design produit, son développement industriel et technologique. Un objet intelligent, robuste et minimaliste avec une optimisation des coûts de production.

Avec cette marque, quels sont vos derniers projets développés avec des entreprises wallonnes ?

Futurewave a beaucoup travaillé avec la Wallonie à ses débuts, et nous avons continué pour Botronics, implanté à Nivelles, avec iXi, le premier chariot de golf intelligent à conduite autonome grâce à l’intelligence artificielle (IA). Bled, une boutique de produits d’alimentation locaux accessible via une application, et Kando, une box électronique sans fil pour assister le travail des soignants dans les maisons de repos, ont suivi.

Locky
Que recherchent-elles avec les services de Futurewave ?

Chaque entreprise et start-up qui nous approche souhaite que notre travail ait un impact positif sur leur business : réduction des coûts de production, augmentation de la visibilité pour les ventes, performance du produit grâce à la technologie… Par ailleurs, Futurewave aide aussi ses clients à trouver des solutions techniques pour leurs produits qui peuvent être déposées par l’intermédiaire de brevets. Cela fait partie de nos services.

Quelles sont les technologies conçues par Futurewave pour ses clients qui ont été brevetées ?

Un mécanisme de verrouillage innovant pour Locky, nouveau système d’arceaux à vélos, plus résistant que les systèmes métalliques traditionnels, et d’autres innovations développées cette fois-ci dans le secteur médical (qui restent confidentielles à ce stade), ou encore l’intelligence embarquée personnalisée…

Alyx bike
Avec Futurewave, vous travaillez aussi sur des projets ouverts à l’édition. Pourquoi ?

Les « designs spéculatifs » de Futurewave sont des sortes de produits idéaux pour inciter les marques à s’intéresser à de nouveaux usages, typologies, matériaux… et à les inspirer pour que nous réalisions un jour ! Par exemple, nous avons déjà produit des prototypes d’un vélo en alliage métallique imprimé en 3D (Alyx Bike) ou encore un assistant intelligent destiné aux personnes atteintes d’Alzheimer, qui stimule la mémoire en réactivant des souvenirs personnels via une IA personnalisée (Memoria).

Parlez-nous d’une de ces dernières créations : Livre, un écran qui s’intègre dans le mur.

Le projet Livre est une exploration de nouvelles formes d’interaction entre technologie et intimité domestique. Une station TV et audio qui a la forme d’un écran pliable qui se fond dans le décor d’un intérieur. L’idée est née d’un paradoxe : nous aimons ce que les écrans nous apportent, mais nous détestons leur présence passive dans nos intérieurs. Le défi technique majeur était de plier un écran OLED sans créer de pli visible, en s’inspirant notamment de systèmes mécaniques issus d’autres secteurs, comme le fer à lisser de Dyson. Dans ce cadre, la technologique est synonyme de performance, et le design, d’expérience.

En tant que designer indépendant, vous venez de terminer deux projets, un, de luminaires, pour la division Bespoke de l’Italien Flos, un autre pour l’horloger suisse Rado…

Mon activité se sépare entre les produits à dimension technologique pour Futurewave et de mon côté, la création d’objets de luxe, de mobilier et de luminaires. L’une des dernières réalisations pour Flos Bespoke, Jour d’été, est une suspension de dimension courte ou longue, au choix, qui combine un système avec LED intégré et nouveau textile de Kvadrat. Toute l’électronique est dissimulée et le tissu évoque l’image que l’on a des draps qui sechent au soleil l’été… Pour Rado, le projet qui verra le jour se présente sous la forme d’une nouvelle collection de montres en céramiques sur la base du modèle iconique True Square. C’est grâce au tout premier Rado Star Prize de la marque, que j’ai remporté à la London Design Week en 2017 (avec la chaise ultra fine 0.6, en bois laminé et fibre de carbone, NDLR), qu’un lien s’est créé.

Drawing and pre-design of O-Boy, a satellite watch designed to provide safety and geolocation for sportspeople in the most remote places. © Futurewave
Votre identité de designer est-elle attachée au territoire belge ?

Je me sens avant tout Européen ! (J’ai des racines bruxelloises et flamandes.) De manière générale, j’aimerais que Bruxelles prenne enfin sa place sur l’échiquier du design en Europe, à l’instar de Copenhague, qui s’est différencié des villes de Londres et de Milan, car les talents sont bien là et très actifs mais encore peu d’entreprises belges font appel à leurs services pour améliorer leurs modes de création et de production. Elles restent très fermées à la collaboration et font presque tout en interne. Pendant ce temps, l’international acclame les designers belges et vante leur créativité, même dans d’autres domaines, liés à la technologie pour le secteur de la santé. Avec Futureware, je suis engagé pour que cela change.

Interview par

Mikael Zikos

Promoting Creative Minds

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