En mode biosourcée ou avec matériaux réemployés, l’écoconstruction a la cote avec l’ouverture de nouvelles agences d’accompagnement aux architectes et des matériauthèques. Du côté de Natura Mater, société active à Bruxelles depuis cinq ans déjà, le conseil et l’accès aux matériaux mais aussi la formation sont au cœur d’un business model vertueux qui s’ouvre à tout type d’entrepreneurs, designers inclus. Une vision verte et de terrain portée par sa cofondatrice Margaux Cambier.

Natura Mater était récemment à Renewal, l’exposition organisée par le studio bruxellois Duplex sur les acteurs de l’écodesign en Belgique. Pourquoi exposer dans un événement de design en tant qu’agence au service des architectes ?
Nous y présentions des matières premières, bio ou issues du remploi de matériaux, que nous sélectionnons pour notre propre matériauthèque. En tant qu’entreprise destinée au monde des professionnels en bâtiment et qui propose des ateliers mais aussi un accompagnement à la construction par le biais de formations, il nous semblait essentiel d’être également présent sur le terrain du design qui est lié à notre activité.
D’où vient le concept de Natura Mater ?
Nous sommes aujourd’hui un duo fondateur, moi et Jeremy Boomer, tous deux architectes de formations et entrepreneurs. Nous avons réalisé que nombre de nos contacts se retrouvaient face à beaucoup de déchets d’une part et à un manque d’information à propos de la construction écoresponsable d’autre part, donc face à une difficulté pour convaincre les entrepreneurs dans le cadre de projets de construction ou de rénovation. Le concept initial de Natura Mater nous est ainsi venu naturellement: faire entrer les matériaux écoresponsables dans la norme, en s’appuyant sur l’existant.
Comment avez-vous démarré ?
On a d’abord commencé par fournir aux entreprises de construction des matériaux naturels en mettant en avant leurs qualités inhérentes. Mais nous nous sommes rapidement rendus compte qu’il fallait d’abord que les architectes prescrivent ces matériaux auprès de leurs clients. Natura Mater s’est ainsi muée en une agence de conseil afin de susciter plus d’intérêt en la matière auprès des architectes, qui sont souvent au fait de l’attrait green des matériaux biosourcés, circulaires, mais pas forcément de leur sourcing et de leur possibilité d’utilisation dans le concret.

À qui se destine Natura Mater aujourd’hui ?
Nous ciblons les architectes en premier lieu et les acteurs de la construction et promoteurs immobiliers, pour tout type de projet, du privé au bureau en passant par les collectivités publiques.
Quel est l’état de la construction écoresponsable en Belgique et à quels défis faites-vous face ?
En cinq ans, nous avons remarqué une belle évolution dans le secteur, plutôt positive. De plus en plus d’entreprises font appel à Natura Mater. Dans la concrétisation des projets, il y a quand même encore des freins que nous constatons pour que les entrepreneurs puissent changer leurs habitudes et passer à la vitesse supérieure.
Quel est l’un des premiers réflexes à atteindre ?
Le réemploi de matériaux, qui n’est pas encore facile pour tout le monde. (Et les politiques devraient plus s’investir dedans.) Il reste de nos jours moins coûteux, et plus facile, de construire des bâtiments de manière non durable, que l’inverse. Cela ne devrait pas être le cas. Au-delà de leur aspect écologique, il faut rappeler que les matériaux écoresponsables ont des plus-values vraiment intéressantes, comme pour l’isolation.

Vous avez travaillé sur une variété de bâtiments en Belgique et même au Luxembourg, de l’habitation jusqu’au milieu éducatif. Qu’avez-vous remarqué au fil de vos réalisations ?
Les adresses de coliving Cohabs ont été parmi les toutes premières à nous faire confiance pour leurs aménagements. Nous sommes actuellement actifs sur le projet de bureaux Nor05 près de la gare du Nord à Bruxelles. À travers ces références, nous avons constaté que les contraintes PEB poussent parfois à utiliser des matériaux inadaptés simplement pour atteindre un score, notamment pour des raisons de coût. De plus, les entrepreneurs ont souvent leurs habitudes avec certains matériaux, ce qui renforce l’importance des formations que nous proposons.
Qu’observez-vous de la part des jeunes architectes, voire designers, aujourd’hui ?
Nous constatons, au fil de nos interventions dans les écoles et les bureaux d’architectes, que ce sont souvent les jeunes qui jouent le rôle de prescripteurs au sein de leur groupe d’activité. Les habitudes en construction doivent être changées mais cela repose avant tout sur la volonté de chacun et la jeune génération est l’une des meilleures ambassadrices de l’écoconstruction.

Quels thèmes abordez-vous dans vos formations ?
Le programme complet englobe toutes les étapes d’une construction écoresponsable : l’introduction, la structure, les parachèvement, l’enveloppe, la méthodologie… Il est basé sur le rapport de l’UNEP (le programme des Nations unies pour l’environnement, ndr) sur la décarbonisation du secteur de la construction. Nous déclinons ses trois axes au sein de nos formations pour que les participants puissent comprendre la hiérarchie qui s’instaure entre les différentes étapes. En support à ce service, notre “Materatek” offre à voir plus de 300 échantillons de matériaux différents.

Vous collaborez avec des sociétés spécialisées comme Lenoo et son isolant biosourcé en fibre de bois. Que cela vous apporte-t-il ?
Pour ces entreprises, nous prenons le rôle d’un ambassadeur en les mettant en contact avec des entrepreneurs et en les rendant visibles sur le terrain pour faire évoluer leurs certifications, mais aussi leurs gammes prix pour plus de compétitivité. Nous collaborons avec de sociétés présentes sur le marché belge, établies et nouvelles, comme BC Materials pour la terre crue, Bambootouch pour le bambou comme alternative écologique à d’autres matériau, Gramitherm pour l’isolation à base d’herbe faite en Belgique ou encore Ecoschelp pour le drainage par coquillages et Lenoo, qui produit, en Wallonie, de la fibre de bois à partir de panneaux de MDF recyclés.

Quels sont les matériaux qui ont le vent en poupe ?
On constate un retour vers des matériaux ancestraux, innovants aujourd’hui, comme les coquillages et le chanvre. Ce dernier permet des solutions d’isolations de sol très performantes par rapport à la pétrochimie habituelle. Les gens aiment aussi découvrir l’histoire derrière ces matériaux. Par exemple, le liège est un puissant isolant en termes de régulation et de respiration du bâtiment, qui recueille de nombreux suffrages pour des utilisations en façades d’immeubles. Et l’argile est un enduit naturel et local non transformé, qui permet un confort hygrothermique et acoustique remarquable.
À quoi vous attendez-vous en matière de soutien au financement dans votre secteur ?
Plus de subsides pour former les architectes et entrepreneurs permettraient d’accélérer la transition les architectes dans la transition vers la construction écoresponsable en alléguant leur réflexion pour mieux convaincre les entrepreneurs. Aujourd’hui, nous nous trouvons à un moment charnière chez Natura Mater, on essaye de grandir, d’engager des personnes. Au plus on peut avoir de clients et projets, au plus on peut avoir d’impact sur la société.