Karen Binns: la styliste au verbe franc

Karen Binns: la styliste au verbe franc

Categorie: Interviews
Date de publication:

Karen Binns est une personnalité à part dans l’univers de la mode. Global Fashion Director pour 10 Magazine et 10 Men, elle se distingue également comme styliste, consultante et directrice artistique de talent. Originaire de Brooklyn, mais aujourd’hui basée à Londres, Karen Binns n’a rien perdu de son sens des affaires américain ni de ses convictions stylistiques affirmées. Son audace, sa sincérité et ses opinions tranchées sont autant de qualités qui la distinguent.

Karen Binns at the Fashion Talks in Antwerp

Aujourd’hui, Karen Binns accompagne de jeunes créateurs à Londres tout en poursuivant son activité de styliste dans la mode et auprès d’artistes, comme elle le fait depuis de nombreuses années. En juin dernier, elle a animé les “Fashion Talks” à Anvers, où son authenticité et son humour ont conquis le public. Plus récemment, elle a présidé le jury des Belgian Fashion Awards et sera présente à Anvers en novembre pour la cérémonie officielle.

Nous avons eu l’occasion de la rencontrer afin d’évoquer son parcours créatif hors du commun, son engagement auprès des jeunes talents et son créateur belge de prédilection.

Wizkid styled by Karen Binns for 10 Magazine
La Fashion Week de Londres approche à grands pas. Sur quels projets créatifs avez-vous travaillé ?

En tant que styliste, mentor créatif et animateur de podcast, je participe à l’initiative “Hi-Fi”, qui consiste à accompagner les étudiants dans la réalisation de leur première présentation ou de leur premier défilé. Le projet a été lancé par Liam Gleeson et est porté par son agence créative « Hidden Agency ». J’encadre actuellement trois jeunes talents qui présenteront leurs créations à la Fashion Week de Londres. Notre ambition est de créer une expérience immersive, car le monde de la mode a plus que jamais besoin d’approches inédites.

Je partage entièrement cet avis !

Je collabore aussi avec une jeune créatrice à Londres, que j’accompagne en tant que consultante. Même lorsqu’un créateur vend bien, il peut avoir besoin de faire évoluer son style. Travailler avec une personne beaucoup plus jeune que moi est une véritable aubaine, car cela me donne un aperçu des tendances de cette génération et de sa vision du monde.

Neneh Cherry styled by Karen Binns for Noize Digital Cover
Qu’est-ce que ces jeunes designers apprennent de vous ?

Mon travail dépasse largement le rôle classique d’une styliste. Je guide les créateurs, je les conseille et je veille à ce qu’ils disposent d’une stratégie claire leur permettant d’affirmer et d’améliorer leur positionnement. C’est un peu comme si je vendais mes créations à une version plus jeune de moi-même, en sachant précisément ce que je ne veux pas. Je me mets à la place du consommateur final, car la plupart du temps, les créateurs n’ont pas une idée claire de leur public cible.

Naomi Campbell styled by Karen Binns for Document Cover
Moi-même, dans le journalisme de mode, je travaille désormais au quotidien avec des collègues plus jeunes que moi. Qu’est-ce que ces jeunes créateurs vous apprennent ?

Je constate souvent que les jeunes créateurs n’ont pas une vision d’ensemble et qu’ils tentent parfois de s’approprier certaines de mes idées sans réel engagement. C’est pourquoi je veille à ce qu’ils me créditent en tant que styliste et je mets les choses au clair dès le départ. Croyez-moi, j’ai collaboré avec de nombreuses personnes qui n’ont jamais pris la peine de reconnaître mon travail de styliste et je refuse catégoriquement que cela se reproduise aujourd’hui.

Naomi Campbell styled by Karen Binns for Document Magazine
C’est à la fois choquant et attristant. Et c’est sans aucun doute une réalité qui doit changer dans ce milieu.

J’ai débuté en même temps que la styliste Jane How, mais je n’ai jamais correspondu aux codes établis. Je ne joue pas de rôle et je n’adapte pas mon comportement en fonction de la personne qui se trouve en face de moi. Je n’ai jamais été du genre à dire oui à tout, ni à correspondre au stéréotype de la fille mince. Mes opinions étaient trop tranchées et j’ai découvert que beaucoup de gens ne vous acceptent que lorsqu’ils peuvent tirer profit de votre réussite.

Pensez-vous que votre franchise dérange ? Dans ce milieu, la jalousie et l’envie sont monnaie courante.

Vous me trouvez menaçante, vous ?

Karen Binns and Recho Omondi on stage at the Fashion Talks
Non, pas du tout. Mais étant moi-même quelqu’un de très franc, je sais que cela peut parfois intimider. D’ailleurs, je vous ai trouvé remarquable au sein du jury des Belgian Fashion Awards. Vous avez su laisser chacun s’exprimer tout en affirmant votre leadership.

Je suis vraiment ravie que tout se soit déroulé aussi bien, et que Sarah Mower ait pu se joindre à nous. Je la connais depuis de nombreuses années et j’ai toujours eu une grande estime pour son expertise. Mon passage aux Fashion Talks reste également un excellent souvenir : j’y ai interviewé la journaliste et podcasteuse Recho Omondi. Le public riait et applaudissait.

Karen Binns - Fashion Editorial
Quelle est votre relation avec la mode belge et pourquoi est-elle si importante pour vous ?

J’ai toujours été une grande fan de Margiela. Assister à son tout premier défilé aux côtés de mon ami Andre Walker a été une véritable révélation : c’était tout simplement révolutionnaire.

Depuis deux ans, j’ai le sentiment qu’il est devenu de plus en plus compliqué d’assister aux défilés. En tant que styliste, partagez-vous ce ressenti ?

Absolument. Les premiers rangs sont occupés par des flagorneurs sans expérience ni avis pertinent, tandis que les vrais professionnels, qui font un travail exceptionnel, se retrouvent relégués aux pires places.

D’où vous vient cette passion pour la mode ?

Elle me vient du cinéma. À l’époque où j’étais videuse dans un club new-yorkais, je passais mon temps à regarder les films de l’âge d’or d’Hollywood et je m’inspirais de Bette Davis ou de Joan Crawford. Mes tenues faisaient sensation, ce qui était amusant, car je ne faisais que mon travail. Je venais de Brooklyn, mais j’avais l’air d’une Londonienne bohème et intellectuelle, ce qui n’était clairement pas mon cas. La faute au cinéma !

Interview par

Philippe Pourhashemi

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