Julian Gamper fait rebondir le design industriel

Julian Gamper fait rebondir le design industriel

Categorie: Interviews
Date de publication:

Designer industriel – un métier qui ne s’improvise pas aujourd’hui – Julian Gamper se distingue par une vision globale, attentive à chaque étape, du pré-projet à sa concrétisation. Il se définit, à juste titre, comme une véritable clé de voûte, ouvrant la voie du design à de nombreuses entreprises. Rencontre avec ce trentenaire d’origine allemande et autrichienne, installé en Wallonie, actif dans l’univers du sport jusqu’à celui des technologies embarquées.

Julian Gamper sketching on technical sheet of lamp design © Robin De Nys
Comment présenteriez-vous votre métier ?

Être designer, c’est avant tout apprendre à connaître les gens et traduire leurs envies. Cerner une idée, lui donner une image, la concevoir, la produire et ensuite, s’assurer que sa qualité soit alignée avec les attentes initiales. Aider à lancer un produit avec une campagne fait aussi partie du service que je propose. Dans 90 % des cas, j’accompagne mes clients de A à Z, et je reste un peu dans la boucle après pour d’autres projets.

Comment travaillez-vous, au sein de votre studio Gamper Design ?

Je travaille à la fois seul et avec un réseau de prestataires. Mes clients sont des start-ups et des firmes établies qui cherchent à se renouveler. J’aime travailler directement avec eux et ma philosophie repose sur l’écoute et l’échange.

© Robin De Nys
Sur quels projets travaillez-vous ?

Sur des projets dans des domaines variés : en ce moment, un vélo pour une marque italienne et un bracelet intelligent (avec l’intelligence artificielle) pour une entreprise belge. Celle-ci m’a d’abord contacté pour imaginer un hardware, et nous avons ensuite décidé de créer le software qui l’accompagne. Concevoir un produit harmonieux veut dire penser à un écosystème complet, qui va jusqu’au branding.

Quelle est votre inspiration ultime dans l’histoire du design ?

J’ai toujours été admirateur de Dieter Rams [1932-], pour sa philosophie de l’ultra fluidité, où l’esthétique découle de la fonctionnalité de l’objet. Et étant moi-même d’origine germanique, je suis parti étudier à l’Université des arts appliqués de Vienne pendant cinq ans.

Qu’avez-vous tiré de vos études en design industriel, sous la direction des professeurs Paolo Piva et Stefan Diez ?

Que le design ressemble à l’époque. En tant que designer et architecte, Paolo Piva [1950-2017] est lié aux années 70 et 80 (Il a travaillé pour B&B Italia, NDLR). Ce sont des ères où l’on donnait facilement des cartes blanches aux créateurs. Faire du sur-mesure, voire du radical, était essentiel pour lui. Stefan Diez [1971-] (designer industriel actif à partir des années 2000, NDLR), est plus axé sur la recherche des nouvelles technologies et sur un produit à la fois niche, très fonctionnel, mais aussi émotionnel et abordable, ce qui fait sens de nos jours.

Qu’avez-vous appris depuis vos débuts ?

Qu’il faut savoir tirer parti des contraintes à bon escient. Pour le projet de pressurisateur de balles de tennis Bounce Pro, que j’ai conçu pour la société belge Bounce Sport (spécialisée dans les articles de sport pour la pratique du tennis et du padel), j’ai souhaité rendre visible les parties d’assemblage. Ce produit est une version dédiée au monde du tennis professionnel et a été développé avec le bureau d’études belge Quimesis (Bounce, sa première version portable, a été récompensée du Red Dot Design Award en 2025, NDLR).

Qu’apprenez-vous de vos pairs dans le milieu du design ?

Il m’arrive souvent d’échanger avec des designers sur les relations que nous avons avec nos clients, nos réussites et nos échecs. Avec les réseaux sociaux, les créateurs sont ouverts et aiment échanger sur des sujets parfois difficiles à aborder.

Julian Gamper sketching sneaker © Robin De Nys
Un pan de votre génération semble moins inspiré par le design industriel. Comment l’expliquez-vous ?

Avant le Covid, les entreprises investissaient davantage dans les nouveaux produits. De nos jours, beaucoup de jeunes designers sont aussi des artistes et/ou des artisans. Ils veulent faire des pièces avec leur propre méthode, développer leurs propres techniques… Dans mon cas, mon activité touche à des domaines très différents et c’est cela qui m’inspire. Dernièrement, j’ai travaillé sur un projet de chaussures, et récemment une boîte aux lettres connectée pour recueillir les prélèvements médicaux, une muselière pour chien ou encore un vélo de course en carbone… Mais beaucoup de gens avec qui j’ai fait mes études n’ont pas forcément suivi le chemin du design et préfèrent se diriger ensuite vers d’autres domaines. Il est difficile de s’inscrire totalement dans ce métier pour des raisons économiques.

© Robin De Nys
Que représente le métier de designer industriel aujourd’hui ?

Pour beaucoup, ce métier est celui d’une personne qui peut aider une entreprise à faire de jolis produits. C’est vrai que l’on commence souvent avec cet objectif pour le client, et celui-ci se rend compte que le designer intervient dans différentes phases du développement d’un produit et qu’il endosse le rôle d’un project manager, traitant avec les fournisseurs, les ingénieurs et des univers variés, comme ceux des nanotechnologies ou du textile 3D, par exemple. Le designer industriel a la capacité de comprendre pourquoi un produit peut être viable et durable, ce qu’il y a besoin d’améliorer et de suggérer où les investissements techniques et humains doivent être faits.

Qu’est-ce que l’innovation pour vous ?

Innover ne veut pas nécessairement dire créer de nouveaux produits. L’innovation est de répondre à des besoins parfois invisibles du public ou encore d’apporter des solutions par les matériaux. En tout cas, elle ne doit pas conduire à la surproduction.

Technical geometry for a new connected cooker and water heater for the Belgian company Wanit © Gamper Design
Comment faire qu’un produit dure aujourd’hui ?

Je crois au « Less is more » (l’adage de Mies van der Rohe, NDLR), mais c’est souvent un piège, qui requiert plus d’efforts pour accentuer sa réflexion et arriver à un produit qui, s’il ne répond qu’aux besoin d’un certain groupe de gens, pourra être amélioré et/ou réparé pour avoir une seconde vie.

Vous avez déjà une large expérience (Electrolux à Stockholm, Adidas en Chine…). Jusqu’où votre versatilité pourrait-elle vous mener ?

J’aimerais bien toucher à l’aérospatial. J’aime travailler avec l’industrie pour échanger avec les bureaux d’ingénierie et apprendre de leurs procédés.

Datamatrix machine © Gamper Design
Expliquez-nous votre projet avec l’entreprise de prototypage belge Moviin.

Movinn m’a approché pour développer un proof of concept pour Care-Nam, un prototype fonctionnel de la machine Datamatrix, qui permet de décupler la rapidité et la facilité du scan des instruments chirurgicaux après stérilisation dans le cadre d’opérations en milieu hospitalier. Ce projet m’a été référencé par Wallonie Design.

Comment les milieux médicaux ou encore sportifs pour lesquels vous avez travaillé vous considèrent-ils ?

Ils sont ouverts à l’importance du rôle du designer industriel dans leur activité. Ces secteurs sont aussi moins compétitifs que ceux du mobilier et sont souvent heureusement surpris de la structuration que l’on peut apporter à leurs projets.

Vous disposez d’un e-shop avec vos propres créations. Qu’est-ce que l’autoédition vous apporte ?

Je fabrique et commercialise moi-même certaines de mes créations, qui n’appartiennent pas au domaine industriel et valent la peine de voir le jour. Je travaille avec du chanvre et de la fibre de bois, pour la chaise Cordula, et avec le bois d’Iroko, pour le tabouret Pico. L’autoédition est devenue une part importante de mon travail et se dédie aux particuliers. Expérimenter au quotidien pour créer des produits immédiatement utilisables est une grande source de motivation.

Qu’évoque pour vous le terme « design belge » ?

Des clients internationaux et une proximité accrue avec l’industrie locale. Étant de nationalité Austro-Allemand et ayant grandi en Belgique, je me sens belge et représenter le design belge lorsque je suis à l’étranger.

Interview par

Mikael Zikos

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